Plata o Plomo? Dans sa semble-t-il quête d’excellence, Netflix frappe, en cette année 2015, un tout gros coup de massue sur la tête de ses détracteurs, pouvant accuser le géant de la VOD d’une commercialisation de productions à la mode, sans âme. Avec Narcos, terme généralisé définissant les acteurs du trafic de drogue au sud de la frontière américaine, Chris Brancato, José Padhila et bien d’autres s’attèle à l’élaboration d’une docu-fiction de haute volée, centrée sur l’ascension, la fortune et la chute du Cartel de Medellin, par analogie de son cerveau, le légendaire Pablo Emilio Escobar Gaviria. Le série ose la démystification d’un monstre du crime, chose que jamais le cinéma n’est parvenu à faire, malgré les nombreux essais. Des prémices de l’importation de la cocaïne aux Etats-Unis à la guerre totale déclarée par Escobar au gouvernement colombien, étalant toute sa puissance financière, sa cruauté, à la suite d’une désillusion politique que l’on connaît, le show revient à un rythme effréné sur chacun des maillons d’un enchaînement de violence, de corruption, de meurtres et de pouvoir. Les dix épisodes qui composent cette première saison ont chacun un message à délivrer, dans une forme de continuité presque jouissive ou tous les Cliffhangers sont inspirés de faits réels.
Le pilote, d’entrée de jeu, annonce la couleur. Immersion totale en Colombie, photographie soignée digne du tout grand écran, un acteur monumental dans la peau d’un mastodonte, narration en voix-off parfaitement ludique, montage au cordeau. A n’en pas douter, nous voilà devant une série solide, une toute belle démonstration de force de la part d’un support qui semble devoir encore prouver qu’il peut rivaliser avec le cinéma. Si là n’est évidemment pas la question, il semble indéniable que le format est parfaitement adapté à cette épopée policière, politique et criminelle, s’inscrivant dans la continuité des grands shows de ces quinze dernières années mais aussi en puisant une certaine forme de gravité, de références, auprès des grands réalisateurs tels que Martin Scorsese ou encore Brian DePalma. Parfaitement limpide, le scénario débouche sur un nombre imposant de variations, de retournements, d’explosions de violence, au rythme d’images d’archives parfaitement raccord avec l’avancée du script.
Soyons franc, Netflix réussi parfaitement son pari, audacieux soit-il. Wagner Moura, vedette brésilienne malheureusement encore peu connue de par chez nous, endosse le costume d’Escobar avec un charisme monstre. L’acteur trouve ici la fenêtre permettant de faire exploser son talent à la face d’un très vaste public. Mais celui-ci n’est pas seul au front. Une palette de comédiens remarquables compose le casting, et même si certains personnages, trop timides aux prémices de la série, mettent du temps à se révéler, du moins à révéler leur utilité, l’ensemble tient harmonieusement la route. Comme mentionné plus haut, en ce qui concerne l’immersion, quand bien même la production soit américaine, l’authenticité des décors, naturels ou fabriqués, force le respect. En pleine Colombie, la production ne lésine pas sur les moyens, offrant une large palette de plans aériens, de plans larges sur les faubourgs des métropoles, des plans contemplatifs du Campo colombien.
Réussie de bouts en bouts, Narcos propulse définitivement Netflix au rang des grands producteurs de séries de notre temps. Seule et minime ombre au tableau, quelques mollesses dans la mise en scène des séquences d’action, parfois un brin platonique et académique. Pour le reste, rien à redire. Les intrigues sont parfaitement connectées et s’imbriquent parfaitement à la réalité des faits. Les comédiens sont excellents, la rythme effréné et la mise en scène léchée. Que demander de mieux? Le final ouvre par ailleurs les portes à une seconde saison d’avantage dramatique, chasse à l’homme annoncée comme palpitante. Inévitable en cette prolifique année de séries TV. 18/20