Better Call Saul, tout le monde le sait, Spin-off de la légendaire Breaking Bad, n’aura pas attendu longtemps pour claironner une certaine forme d’indépendance, du moins pour voler de ses propres ailes. Conscient du rapprochement inévitable des deux séries, dont celle-ci est clairement un prolongement de la première, Vince Gilligan et Peter Gould tentent de tisser une toile qui est propre au personnage de Jimmy McGill alias Saul Goodman, offrant toute l’humanité, la personnalité nécessaire à l’individu, sans compter sur celles de Mike, tout en ménageant le suspens quant aux rapprochements qui seront faits avec la série mère. De ce fait, Better Call Saul est un véritable paradoxe télévisuel, une œuvre qui possède tous les attributs pour se suffire à elle-même mais qui ne pourrait exister sans la mythologie de la série dont elle est l’étirement. Conscient de cela, le public peut alors apprécier, sur les deux fronts, ce remarquable drama qui n’a, en somme, rien à envier à la concurrence.
Cette seconde saison, d’esprit parfaitement similaire à la première, n’offre finalement que peu de rebondissements fracassants, un défaut peut-être sachant que la prise de risque des deux créateurs frôle ici le zéro absolu. On apprécie l’humour, l’écriture, la pertinence narrative quant aux querelles entre les deux frères avocats, cette saison sur ce plan-ci est le contrepied de la première, mais ces petits dix épisodes pourront paraître frustrants tant ils semblent d’abord constituer un remplissage, une transition, entre le Jimmy McGill que l’on nous présente et le Saul Goodman que nous connaissons. Il s’agira donc d’attendre une année encore, au moins, pour que les deux univers se mêlent réellement, et un public impatient pourrait ne pas le tolérer. De mon côté, cela m’importe qu’assez peu, Better Call Saul étant un délice à elle toute seule, un délice surtout du fait que toute cette belle équipée, toutes ces personnalités attachantes seront un beau jour broyées par l’entreprise furieuse et criminelle d’un certain Walter White.
On contemple donc Better Call Saul avec une certaine mélancolie, avec l’envie persistante de savoir ce que Saul, Jimmy donc, deviendra après les évènements de la série culte d’AMC. A ce titre, seules les quelques premières minutes de deux saisons nous en offre une perspective. Il est par ailleurs indéniable que la qualité d’interprétation de Bob Odenkirk, surtout, et Jonathan Banks, permettent de vraiment s’attacher à ces personnages qui courent encore, sans le savoir, au-devant d’un monceau tentaculaire d’ennuis. Profondément captivé par leurs destinées, les fans de Breaking Bad ne peuvent qu’adhérer à la démarche, quand bien même les plus impatients aient l’impression d’être floué, en termes de rythme narratifs.
En définitive, si cette deuxième saison est un peu moins percutante que la première, du fait d’un contenu plus léger, elle n’en reste pas moins remarquable, techniquement et narrativement. On souhaite dès lors, au plus vite, découvrir la suite et le trait d’union tant attendu et, en cela, Better Call Saul est une réussite. 16/20