L’annonce d’un Spin-Off de Breaking Bad axé sur le personnage emblématique de Saul Goodman avait de quoi faire trépigner les troupes de fans de la série de Vince Gilligan. Et pour cause, le génie du créateur, père de quelques Walter White et autre Jessie Pinkman, ne s’est pas tari en route, le monsieur s’étant qui plus adjoint les services de Peter Gould. Du long chemin qui mena le dénommé Jimmy McGill, avocat du barreau sur le tard, à la prestance de son personnage crapuleux de Saul Goodman, les deux showrunners en font un captivant moment de finesse et d’intelligence, une saison première en dix chapitres qui non seulement brille sur le plan narratif mais parvient également à trouver son indépendance en rapport à son mythe d’origine. Oui, la difficulté pour Gilligan et Gould était bel et bien d’offrir une certaine forme d’indépendance à Better Call Saul, série nouvelle mais clairement rattachée à Breaking Bad, se devant pourtant d’offrir de nouveaux horizons à explorer.
Le pari est audacieux, certes, mais dès les premiers instants, à côtoyer ce bon vieux Saul, sous son vrai nom, nous voici charmer. Les petits pincements nostalgiques n’enlève rien, qui plus est, à la qualité indéniable d’écriture, et ce, dès les toutes premières minutes, en noir et blanc et d’une tristesse atterrante pour tous ceux qui se rappellent la fin de la croisade Heisenberg. Oui, surfant sur le succès de son géniteur, Better Call Saul n’est reste pas moins un show à lui tout-seul. Plus qu’un simple et bête Spin-Off, la nouveauté AMC, Netflix dans le reste du monde, est un petit bijou dramatique aussi bien que comique. Des débuts chaotiques et maladroits de Jimmy à ses dernières paroles du dixième épisode, le chemin à parcourir est aussi passionnant qu’invariablement cynique, un modèle narratif qui dessine un personnage que l’on reconnaît d’abord pour mieux le redécouvrir dans son intimité. En bonus, et celui-ci est de taille, il nous est également offert, en parallèle de découvrir le personnage de Mike, côtoyant par hasard l’avocat. Aucun des deux n’étant encore celui qu’il fût par la suite, l’évolution est captivante et surtout, intrigante.
D’un point de vue technique, la série porte logiquement la patte du géniteur de Breaking Bad, retrouvant Albuquerque et le Nouveau-Mexique filmés comme des paradis de synthèse, enfers maquillé en terre d’accueil pour toute la misère américaine en quête de renouveau. C’est bien le cas de Jimmy, comme de Mike, chacun aillant une histoire lourde à traîner derrière eux, tous les deux en pleine croisade pour revivre une nouvelle vie loin de leurs froides origines. Le générique flashy, des séquences en flashback tournée en accentuant les contrastes, Gilligan, Gould et leur équipe livrent un hommage artistique à la série mère tout en offrant son indépendance à leur nouveau bébé, un drame familial, social et finalement juridique.
Débordant de très belles inspirations, on pense à la maladie du frère de Jimmy, cela donnant lieu à des scènes aussi tordantes qui cruelles, la série trouve très rapidement son public, certes le même que celui de Breaking Bad, mais un public nombreux pour autant. Fort de sa qualité, la série est d’emblée reconnue comme un succès indéniable, la preuve en est des nominations pour l’obtention de titres prestigieux. Accessoirement, cette première saison est aussi une parfaite réussite sur le plan émotionnel. En toute logique, tous fans de BB sera pleinement conscient de la valeur des personnages présentement concernés, mais se dira, par-dessus-tout, que toutes leurs valeurs, leurs intentions, leurs personnalités, seront finalement écrasées par une légende, un certain Walter White. Brillant, au même titre que l’est Bob Odenkirk dans la peau de ce juriste adorablement retors. 17/20