Sans aucun doute l'une des plus belles découvertes que j'ai pu faire sur petit écran, Penny Dreadful nous donne l'occasion de nous plonger dans le Londres victorien mystifié par les personnages des contes de l'époque. L'exercice est difficile, rassembler tous ces personnages dans une seule et même trame narrative, tout en développant les sous-intrigues pour que ces dernières rejoignent finalement ou non celle de fin, en offrant un traitement sérieux et (bien que fantastique) dans une société réaliste. Ce qui nous frappe lors des premières minutes de visionnage, c'est avant tout l'esthétique particulièrement travaillé. Le grain de l'image est volontairement assombri pour donner à l'univers, en plus des décors, un aspect gothique légitime. Les dialogues sont assez souvent poétisés, ce qui peu rebuter certains spectateurs, ce choix n'est pourtant pas dû au hasard et témoigne pour moi d'une volonté de coller à la littérature de l'époque romantique. En ce qui concerne les protagonistes, je ne peux que souligner la justesse de leurs interprétations. De l'envoûtante Vanessa Ives (Eva Green) au sévère Malcolm Murray (Timothy Dalton) en passant par le torturé Dr Frankenstein (Harry Treadaway), chacun des personnages chargés de faire avancer l'intrigue est captivant et attachant, développant en parallèle à la trame principale des histoires qui nous permettent de renforcer notre attachement pour ces derniers. En ce qui concerne sa régularité, cette dernière a souvent été mis en doute par des spectateurs, je la trouve juste du début à la fin.
La première saison est pour moi celle que je préfère le moins, l'histoire se met en place, il faut un peu s'accrocher au début quand on est pas habitué à des dialogues aussi travaillés, des scènes d'exposition parfois longues, une inquiétante étrangeté qui suppose qu'un Mal est présent, sans pour autant être défini et constamment menaçant.
La relation entre Miss Ives et Dorian Gray est l'un des points forts des épisodes, tant elle est surprenante et bien amenée. C'est d'ailleurs pour moi l'apogée du personnage de Dorian qui perdra de sa superbe au fil des années. On assiste aux premiers rapprochements entre Vanessa et Ethan, laissant supposer qu'un lien spécial les unis, tout en les conduisant à leurs ébats respectifs, laissant planer un doute sur la nature de leur relation
. Timothy Dalton joue bien son rôle de fil conducteur en rythmant l'intrigue, il donne le ton à chaque fois que nos personnages se perdent dans leurs intrigues personnelles.
La deuxième saison est la plus intéressante car elle offre l'intrigue qui nous tiendra en allène jusqu'à la fin. Là où la précédente échouait en mettant la vie de Mina (Olivia Llewellyn) en jeu, à laquelle nous n'arrivions pas à développer un réel attachement et dont on se fichait plus ou moins du sort, celle-ci implique directement la vie de Vanessa en l'intronisant comme l'objet des convoitises du Mal. Ça tombe bien, on a passé toute une saison à s'attacher à elle en assistant aux conflits intérieurs auxquels elle est en proie.
On voit murir une relation amoureuse entre elle et Ethan, la relation père-fille qu'elle développe avec Sir Malcolm qui a cessé de la tenir pour responsable de la mort de sa fille et reconnaît le sentiment de paternité qu'il a développé pour elle.
En bref, on a eu le temps de développer des sentiments pour le personnage, ce qui rend ce schéma efficace. C'est aussi pratique, car toute cette saison va en grande partie tourner autour d'elle, on découvre que non seulement qu'elle est celle que le Mal convoite, mais aussi qu'elle possède un peu de ce Mal en elle, ce qui nous expose ses faiblesses, un moyen en plus pour nous de développer de l'empathie. Sur un autre plan, on suit le parcours d'Ethan et de la bête qu'il abrite. Ce personnage est a mon sens très sous estimé par le public qui préférera le Dr Frankestein et sa créature. Josh Hartnett est parfait dans son rôle, je crois à toutes ses scènes de doutes, de haine, de tristesse mais essentiellement à l'amour qu'il porte pour Vanessa. La scène dans la maison de campagne avec Eva Green restant pour moi l'une des meilleurs de la saison. L'amitié qu'il forme avec Sembene (Danny Sapani) apporte aux deux personnages plus de fond, ils se ressemblent, s'apprécient et se considèrent comme de vrais amis. Ce modèle de relation dans la série étant assez rare, une amitié sincère et assumée, nous permet de nous attacher davantage au personnage de Sembene qui est pour moi le personnage secondaire le plus juste de la série. Ethan Chandler est donc à mon sens le personnage le mieux travaillé de cette saison avec Miss Ives, ils suivent le même calque psychologique, c'est d'ailleurs la source de leur lien, c'est ce qui les rend si proches, luttant tous deux contre une force qui s'empare de leurs esprits. Les sorcières remplissent leurs tâches sans être mémorables, à l'exception d'Helen McCrory qui excelle aussi bien dans le rôle de Polly Gray que celui de Madame Kali. C'est du côté de Brona Croft (Billie Piper) que j'y crois moins, après une bonne introduction dans son nouveau personnage, elle loupe le coche et ne laisse présager rien de bon.
La troisième et dernière saison ne brillera pas autant que la précédente, mais sera toujours plus intéressante à suivre que la première bien que je les apprécie toutes deux. Largement critiqué, le passage d'une bonne partie de l'intrigue en Amérique est pour moi l'un des points les plus intéressants de la série et le plus important: la rédemption.
Pour qu'Ethan fasse ce qu'il doit faire et devienne celui qu'il doit devenir, ce passage était impératif, revenir aux origines. Nous savons que son passé le hante depuis ses premières apparitions dans la série, il était un élément perturbateur chez lui et même une menace au cours des deux premières saisons, se traduisant par son retour forcé par son père.
Rendre cette intrigue concrète, c'est matérialiser cette menace et annoncer une évolution prochaine du personnage, de sa façon de penser. Le gros problème que cela pose, c'est l'apparition du personnage de Wes Studi, car même si elle est justifiée, les explications qu'elle amène me dérange, posant un tas de questions qui resteront sans réponses.
John Logan ici interroge les spectateurs sur plusieurs questions importantes, en particulier sur nos croyances, quelle est la place de la religion ? Quelle part accordons nous au surnaturel ? Pourquoi avoir la foi ? Qu'est-ce que cela implique ? Mais également sur nos choix, ce qui les motive, ce qui nous pousse à agir de la sorte plutôt qu'autrement, notre amour pour quelqu'un, notre peur des conséquences que peuvent engendrer nos actes.
Mention spéciale pour Rory Kinnear qui, si je ne l'ai pas mentionné, est sûrement le personnage le plus emblématique de la série. Il est fascinant de voir que la Créature est devenu l'entité la plus "humaine" de la série, faisant toujours des choix justes, contrastant avec ses actes parfois violents sans sourciller. Il lie toute la poésie qui entoure cet univers à la série en elle-même. Rien à dire pour Kinnear qui réalise un sans faute tout au long de son jeu.
Je ne pourrais passer outre les quelques points qui m'ont fait un peu grincer des dents, comme l'absence de Vanessa dans les deniers épisodes de l'ultime saison qui atténue les effets sur le spectateur de son destin final, le personnage interprété par Billie Piper qui devient difficilement supportable sur la fin, le rôle de l'escrimeuse qui reste ma foi toujours obscur et dénué d'intérêt après les informations qu'elle apporte, ainsi que
la justification à mon sens trop poussée (ou au contraire pas assez) de l'origine de la malédiction (bénédiction ?) d'Ethan
. Tous ces problèmes nous donnent la sensation que la saison trois n'était à l'origine pas censée être celle de la résolution, comme un arrière goût de quelque chose qui aurait été bâclé non pas par perte d'intérêt, mais plutôt par contrainte. Ces mauvais pas ne viennent cependant pas entacher le final qui à mon sens est l'unique voie possible à suivre. Vanessa est liée irrémédiablement au mal contre lequel elle lutte depuis trois saisons, on le comprend dès les premiers épisodes de la série, ce sentiment se renforçant à mesure que l'histoire se développe, on se doute de ce que pourrait impliquer la solution finale, tout en se mettant volontairement des œillères pour se réserver le doute qu'une alternative se présente.
De nombreuses personnes se sont plaintes de l'abandon trop soudain de Dracula. A mon sens, il est cohérent que ce dernier se retire de la sorte. Symboliquement, la mort de Vanessa représente la victoire du "Bien" sur le "Mal", ce qu'elle implique doit être assez percutant pour que nous y croyons, nous soyons touchés par cet acte, sinon nous éprouverions le sentiment qu'il n'a servi à pas grand chose puisqu'au final, l'antagoniste est toujours présent. Ethan Chandler est bien l'instrument de la chute de Dracula, puisqu'il est celui qui devait tuer Vanessa, le seul capable de le faire donc le seul capable de le mettre en échec, non pas dans un affrontement épique entre le vampire et le loup garou, on voit que leurs forces ne sont pas égales plus tôt dans l'épisode, mais bien dans un acte suffisamment fort de sens et seulement réalisable par celui qui était censé s'être détourné de la femme qu'il aimait. De plus, les mots de Vanessa sont censés éclairés davantage son implication, lorsqu'elle dit "This is what I am, this is what I've done".
Pour conclure, Penny Dreadful est une alchimie qui fonctionne parfaitement respectant ses intentions, ses personnages et son intrigue. Je continuerai longtemps à penser à cette série qui m'a profondément marquée.