Alors que la deuxième saison touche à sa fin outre-atlantique, Orphan Black ne devrait plus tarder à faire son retour sur la chaîne française numéro 23. À l’origine de la série, les showrunners John Fawcett et Graeme Manson. Ce dernier est connu des cinéphiles pour avoir scénarisé Cube, inoubliable film de science-fiction, traitant d’un complot scientifique, et bénéficiant d’un traitement en huis-clos saisissant. Avec Cube, il mettait au monde un ovni, avec un budget ridicule. L’auteur revient à ses premiers amours en renouvelant le thème. Le format série lui permet d’approfondir la thématique de l’observation et du contrôle scientifique poussés au-delà des règles éthiques.
Sarah (Tatiana Maslany) est orpheline, une marginale vivant d’arnaques, plus ou moins réussies. De retour à Toronto, après une longue disparition, elle croise un sosie à la gare. L’étrange clone se suicide sous ses yeux. Sarah décide alors d’usurper son identité pour changer de vie. Une décision qui va la mener de découvertes en découvertes sur le chemin de ses origines. Dans la peau de Beth, la flic qui vient de mettre fin à ses jours, elle se lance à la poursuite de ses démons, engloutie par une avalanche de révélations. Elle a deux clones, si l’on oublie Beth. Avec l’aide du petit copain, Paul (Dylan Bruce), et d’Art (Kevin Hanchard), le coéquipier de Beth, elle rentre dans un monde mystérieux où elle va tenter de protéger sa fille, Kira (Skyler Wexler) son frère adoptif, Félix (Jordan Gavaris) et sa nouvelle famille.
La première chose qui frappe l’esprit dans Orphan Black est la multiplicité des lectures, qui rappellent le meilleur de Buffy contre les vampires, la série mythique de Joss Whedon. Orphan Black est à la fois une série policière et une série de science-fiction, tout en distillant des éléments de comédies familiales par petites touches. Cela faisait un moment que l’on attendait un personnage féminin aussi fort, capable de prendre la relève de la chasseuse de vampires. Sarah fait face à tous les imprévus avec panache et une indépendance proclamée haut et fort. Elle n’a de cesse de préserver sa liberté, et n’a pas besoin de figure paternelle (ni maternelle d’ailleurs) pour orienter ses décisions, contrairement à ses jumelles. Hostile à toute forme d’autorité, elle possède une vision du bien et du mal ambiguë, laissant leur place à certaines pratiques illégales, mais l’orientant toujours vers des décisions justes. Contrairement à ses nombreux ennemis, plus ou moins déclarés, elle a comme vertu d’être droite. C’est une lumière de constance dans un monde de trahison. Elle incarne typiquement l’archétype du bandit au grand cœur. En plus du personnage de Sarah, Tatiana Maslany incarne tous les clones à l’écran. Elle fait preuve d’une maîtrise incroyable, bluffante à chacune de ses apparitions. L’ensemble coule de source, on n’est jamais perturbé par son omniprésence à l’écran. Elle interprète avec tellement de talent ses différentes incarnations que l’on oublie tout simplement que c’est la même actrice. Notons le travail de l’équipe de maquillage qui doit être dantesque, et qui participe autant à cette réussite incroyable.
Face à Sarah se tiennent plusieurs organisations. Les néolutionistes, dont la figure de proue est le Dr. Aldous Leekie (Matt Frewer), sont des scientifiques visant l’amélioration biologique de l’être humain. Le malaise qui les entourent est dû à leurs théories à la limite de l’apologie eugéniste. L’organisation qui les regroupent, le groupe Dyad Institute, joue le rôle de la multinationale corrompue. En son sein s’exerce diverses influences. À l’origine des clones, Dyad Institute les surveillent constamment. Orphan Black livre à travers ce biais, une réflexion étayée sur les brevets sur le vivant. Le ton est clairement donné, les créateurs de la série dénonce la main-mise sur le règne du vivant par quelques entreprises mal intentionnées. Dans un scène sans équivoque, l’administratrice du groupe discute avec les actionnaires des pressions à exercer sur le parlement canadien. On pense immédiatement à Monsanto. Par le biais de la science-fiction, les concept de manipulation génétique et de propriété sont poussé dans leurs retranchements. Visions terrifiantes d’un futur pas si lointain.
Orphan Black fait feu de tout bois, car si elle égratigne les dérives scientifiques, la série n’oublie pas de traiter, avec autant de virulence, son Némésis mystique, les proléthéens. Ces derniers sont des illuminés, constituant une secte protestante, s’étant jurée la mort des clones qu’ils considèrent comme une hérésie. Constitués, et fonctionnant comme une véritable secte, ils instrumentalisent Héléna, une des clones, pauvre fille à qui ils ont fait subir de terribles traitements, et dont il canalise la violence et la démence, vers ses semblables. Là où les scientifiques du Diyad Institute sont cyniques et prêt à tout pour poursuivre leurs recherches en dehors de toute éthique, les extrémistes proléthéens incarnent une morale imposée et castratrice, amenant aliénation et obscurantisme, parmi ses membres. Et bien entendu, cette morale doit être imposée par la force aux incroyants. Malheureusement, Orphan Black vise juste avec des thématiques très contemporaines. Entre ses deux extrêmes, se tient Madame S. (Maria Doyle Kennedy), tutrice légale de Kira, ancienne militante d’extrême-gauche anti-thatcherienne. Si son rôle reste flou à l’issue de la première saison, les renoncements, et les trahisons, de certains de ses amis, rappellent les errements de certains de nos hommes politiques contemporains.À la suite d’Albert Einstein, qui était pourtant athée, la série fait sienne sa pensée :« La science sans religion est aveugle, la religion sans science est boiteuse." La religion étant pensée ici, comme un positionnement éthique prenant compte de la nature sacrée de la vie.
La première saison est d’or et déjà disponible en DVD. La deuxième saison est diffusée sur BBC America, aux États-Unis et Space, au Canada. Comme d’habitude, d’excellentes équipes de traducteurs mettent en ligne des épisodes en anglais sous-titrés, facilement trouvable sur la toile. On ne peut que vous conseiller de faire un tour, si vous accrochez.
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