Le deuxième canal de la BBC lance en 2014, sous la direction de Steven Knight, une nouvelle série policière à tendance grand banditisme ancrée dans le Birmingham des années post première guerre mondiale. 1919, la cité industrielle est rongée par la corruption et le crime organisé, sans compter sur les soulèvements de l’IRA en Irlande voisine et la révolution communiste en marche. Dans cet environnement hostile évolue un gang, les Peaky Blinders, gangsters ayant la particularité d’accrocher des lames de rasoirs à la visière de leurs casquettes. Ce même gang est mené d’une poignée de fer par les frères Shelby, plus particulièrement par Thomas dit Tommy. Voici l’histoire, un tout petit bout d’histoire, certes grandement fictionnelle, de la pègre britannique du début du siècle dernier. Reconstitution soignée, costumes parfaitement authentiques, looks adéquats et climat immersif rendent la série de Steven Knight on ne peut plus solide, sans compter sur la participation de comédiens talentueux et reconnus tels que Cillian Murphy ou Sam Neill.
Le succès de la série tenant principalement de l’immersion totale dans un environnement d’époque particulièrement saumâtre, la crasse des industries suinte dans chaque plan, il fallait pourtant à la production des arguments narratifs pouvant tenir le choc face à la concurrence américaine, notamment chez HBO avec Boardwalk Empire. Pour ce faire, la BBC met les petits plats dans les grands en soignant à la fois son casting et ses décors, tout en misant sur un format sensiblement court de seulement six épisodes. D’une durée de cinq heures et quelques minutes, cette première saison se visionne de la même manière qu’un film, pari difficile mais dont les productions britanniques sont pourtant adeptes. Sans s’égarer, suivant une ligne conductrice stricte, le scénario n’est qu’une succession de confrontations dont le moteur de chacune est clairement l’ambition. L’ambition du gangster de prendre le pouvoir. L’ambition du flic de la gloire que pourrait lui apporter ses faits d’armes, l’ambition des femmes de s’émanciper ou encore l’ambition du prolétariat de révolutionner le système social.
Ceux qui sont adeptes des séries ou films mafieux seront immédiatement conquis par l’esprit résolument conquérant de la série, maligne et axée sur l’accession à toujours plus de pouvoir. Tommy Shelby, incarner par le brillant mais trop rare Cillian Murphy, est le cerveau et le carburant d’un récit qui le consacre comme le pendant anglais de l’entre deux-guerres des grands truands de l’Amérique, esprit démoniaque mais aussi touchant, sorte de variation entre le Tony Montana de Scarface et le Tony Soprano de HBO. La violence, l’amour, le sexe, la trahison, l’amitié ou encore la tromperie, tout y passe. Sur un rythme effréné, le combat entre le flic et le truand, entres les truands eux-mêmes sonnent comme une danse macabre dont le seul but est finalement de toujours s’enfoncer plus profondément dans les ennuis. Particularité, quand bien même Cillian Murphy domine le casting, le personnage de l’inspecteur Campbell, le brillant Sam Neill, permet d’apporter suffisamment de piment au récit pour que la série prenne parfois d’avantage le chemin du polar que de l’apologie criminelle.
La BBC réussit donc parfaitement son coup, livrant une série audacieuse, à la fois historique et rythmée. Les britanniques étant forcément des artisans sur lesquels il faut depuis toujours compter, l’on pressentait dès les premiers trailers la qualité de Peaky Blinders, concurrent sérieux à tous prétendants, qu’ils soient américains ou européens. On ne peut dès lors que se réjouir de retrouver nos gangsters à la casquette meurtrière dans une deuxième saison annoncée plus grandiose encore, notamment du fait de la présence d’un certain Tom Hardy, légende en devenir qui apportera, on n’en doute pas, sa pierre à l’édifice. A découvrir aisément du fait de sa programmation sur Netflix. 16/20