En théorie non préméditée, malgré les allégations ultérieures de Chris Chibnall, cette seconde saison de Broadchuch avait la très lourde tâche de perpétuer le mythe d’une première volée ayant connu succès et gloire, au Royaume-Uni comme ailleurs dans le monde. Incontestablement, les huit épisodes initiaux se suffisaient à eux même, d’autant que les Etats-Unis et la France, avec les mauvaises surprises que l’on connaît, ont tenté d’adapter la série à leurs goûts. Pourquoi alors s’acharner à poursuivre l’aventure, avec le risque de tout faire s’écrouler, si ce n’est l’avidité? Mais peu importe. En toute objectivité, cette deuxième saison est clairement en déca de la précédente, inférieure sur le plan émotionnel, sur le plan narratif et finalement bien moins addictive car poussive à bien des égards. La découverte du tueur du petit Danny avait stupéfié tout le monde, le final de la première saison était un véritable coup de massue consécutif à une enquête rondement menée dans une microsociété attachante et pleine de mystère, certes, mais de là à logiquement y voir la possibilité de suites, c’est une autre affaire.
Les scénaristes optent alors pour orienter cette seconde saison sur deux fronts distincts, du moins deux fronts que l’on s’efforce, sur le papier, à distinguer. Dans un premier temps et en toute logique, nous sommes conviés à assister au procès du père et mari tueur, ce qui n’est pas pour nous déplaire, dans l’idée. Ce thème amène l’introduction de nouveaux protagonistes, les avocats, pas foncièrement captivants, notamment l’avocate de la défense et son acolyte. Les séances au tribunal, étalée sur les huit épisodes, sont rythmées, mouvementées mais parfois bien trop poussives, le tout se concluant sur un verdict que je vous laisse découvrir. Jusqu’ici, pas de problème majeur à signaler, s’agissant d’une suite directe aux évènements passés. Là où l’affaire se corse, c’est dans cette velléité du scénario à vouloir rouvrir, en parallèle, les plaies de l’inspecteur Hardy en ce qui concerne la fameuse affaire Sandbrook. Une affaire de meurtre irrésolue ayant ridiculisé notre cher policier, un Alec Hardy nettement moins mystérieux que par le passé, beaucoup plus lisse.
Dans une sorte d’effet de variation des évènements de la première saison, nous revenons sur l’affaire Sandbrook, le meurtre d’une enfant et la disparition d’une jeune adulte. En dépit d’une conclusion d’enquête plutôt bien torchée, conjointement au sort scellé du tueur de Broadchurch, l’enquête peine à convaincre, du moins peine à captiver après l’excellente première saison. L’ensemble piétine plutôt laborieusement jusqu’à la conclusion, dans une certaine mouvance injustifiée de jeu du chat et de la souris entre suspects et enquêteurs. Bref, cela ne serait pas gênant si le personnage d’Ellie, profondément concernée par le procès en cours, ne prenait pas une place centrale dans l’enquête. Difficile de croire à l’obstination d’une femme flic sur le déclin, dont on ne sait plus trop avec quoi elle gagne sa vie, se plonger dans une telle enquête alors que le sort s’acharne sur sa vie privée et celle de toute sa communauté. Mais comme dirait l’autre, il s’agit d’offrir substance et intérêt pour meubler le temps.
Voilà donc une suite nuancée à un petit bijou, certes n’ayant jamais été un véritable chef d’œuvre mais une série policière intimiste d’une efficacité redoutable. Pour autant, Chris Chibnall et sa troupe évite la catastrophe en proposant quelque chose de substantiel, une suite en deux temps pas franchement parfaite mais tout de même satisfaisante. Le final de cette seconde saison est bon, voire très bon, ce qui rehausse la moyenne. On peine pourtant à imaginer que l’aventure se poursuive avec une troisième saison, complètement invraisemblable à mon sens. Le mérite des créateurs de génie n’est-il pas de savoir quand s’arrêter? 12/20