Broadchurch est une nouvelle série britannique qui comme de nombreuses séries venues d'outre-manche (Sherlock, Luther, Black Mirror) possède une jolie réputation. Nous voici immergé dans une petite ville du littoral britannique qui tente de se relever après la mort d'un enfant assassiné sur la plage locale tandis que la police tente de résoudre une affaire complexe.
Broadchurch est donc une série véritablement intéressante car elle sait prendre son temps et imprégner le spectateur d'une ambiance oscillant entre mystère et drame. Les premiers épisodes sont plutôt bons et mettent de côté l'enquête assez classique et convenue (interrogation du voisinage, liste de suspects, liste d'alibis de TOUT le monde) qui décollera un peu plus tard. La série met véritablement en valeur Jodie Withaker, l'actrice livre une performance pleine de sensibilité et de conviction, les premiers épisodes sont consacrés aux troubles de la famille Latimer, aux faces cachées des personnages, assez classique dans la forme mais très intelligemment mis en scène avec une précision remarquable, des cadrages soignés et une remarquable utilisation de la lumière.
Je vais maintenant en venir à la force la série qui est évidemment la relation Miller/Hardy, l'idée géniale de ce duo antagoniste, c'est d'avoir mélangé un personnage issu de la communauté et un arrivant profondément allergique à cette vie en communauté assez asocial et solitaire. David Tennant et Olivia Calmer donne vraiment leur pleine mesure du début à la fin de la série. Leur caractères diamétralement opposés donne lieu à des scènes assez drôles et même cocasses parfois.
La force de ce duo est évidemment le fait qu'ils soient opposés dans leur approche de l’enquête mais surtout qu'il n'ont pas le même point de vue de la communauté. Miller qui ne peut avoir une vision objective de la communauté va petit à petit perdre toutes ses certitudes et c'est là que ce la devient intéressant. A partir du moment où la confiance, le lien qui unit cette communauté est brisée, cela devient intéressant. C'est lorsque les personnages sont dos au mur que l'on appréhende leur vraie nature. La série prend une autre dimension au moment à partir des premiers soupçons de la police. Cela ressemble à American Beauty dans le sens où l'on a une fissuration du vernis qui entoure ces banlieues résidentielles. Les personnages s'expriment enfin, les secrets éclatent, les tensions s'accumulent et les non-dits s'effacent pour laisser place à des vérités parfois inavouables. La série devient également intéressante car la vie en communauté est aussi une vie d'apparence, une façade ainsi la rumeur est destructrice qu'elle soit vrai ou pas. Le personnage de Jack Marshall symbolise bien cela, il est victime d'un lynchage médiatique, et l'effet domino qu'il produit ne lui offre aucune issue. Il est vraiment intéressant également de voir ce sensationnalisme des médias, l'influence de ces médias sur la communauté, de voir que nous sommes dans une société ou l'isolement est la condamnation. La vie en communauté, en groupe nécessite l'intégration, et l'intégration passe aussi par la soumission, les libertés sont conditionnés en fonction d'autrui et tous les habitants ne doivent faire qu'un vers un intérêt commun. Un intérêt commun qui est la survie de la communauté, les discours du prêtre (le berger, le guide) sonnent comme un rappel vers l'objectif commun qui est la survie de Broadchurch. Et pour survivre Broadchurch a besoin d'être attractive, or l'attractivité passe par la réhabilitation ici en l’occurrence le tourisme est le moteur de la cité. C'est assez intéressant de voir les habitants tiraillés entre le souvenir, le respect et le deuil et de l'autre côté, le profit, le développement de la ville. La série aborde donc énormément ( que j'ai modestement tenté d'analyser, ce n'est qu'une petite interprétation subjective) de thématiques et ne se limite pas une petite enquête classique. C'est toute la force des grandes séries, de réussir à aborder et analyser notre société, notre condition avec intelligence.
La série a aussi des qualités essentielles pour une série policière, un certain mystère plane autour de cette cité. Les personnages sont assez charismatiques, bien écrits et les doutes, responsabilités difficile à définir, tant certains personnages cultivent une part de mystère tout au long de la série. Le dénouement de la série est d'une sobriété bienvenue tout en restant assez fort émotionnellement. Formellement, la série possède d'évidentes qualités en terme de mise en scène et de réalisation. Autre chose, l'apparition du nom de la série revient régulièrement tel un écho, on peut voir cet écho comme celui de la falaise qui renvoie toute la culpabilité, les non-dits, les secrets sur cette petite ville en pleine implosion. J'ajouterais pour conclure que la série est magnifié par les très beaux paysages côtiers de Grande-Bretagne.
Voilà Broadchurch est donc une très belle réussite, au-delà d'une simple enquête, on a aussi ici une analyse de l'homme, de sa condition dans la société. Une belle série subtile, intelligente, et qui plus est britannique, ça ne se refuse pas. A voir et en VO pour apprécier les excellents accents britanniques des personnages.