Sortie le 20 décembre 2013 en DVD, Tunnel est certainement la meilleure création Canal+ de ses dernières années après entre autre, le décevant remake du « Prisonnier ». Remake elle-même de la série suédo-danoise « Bron ». Le départ original de la série est le suivant : au milieu du Tunnel sous la manche est retrouvé un cadavre coupé en deux. Il s’agit en fait d’une part du tronc de la leader d’extrême-droite française et d’autre part, des jambes d’une prostituée galloise. Les deux polices, françaises et britanniques, vont devoir mener l’enquête de front.
Fort heureusement, on évite une comparaison franchouillarde et bas du front des deux pays. Ce sont certains points communs qui les rassemblent qui vont être mis en exergues. Et malheureusement, ce ne sont pas les plus flatteurs. La série a cette force qu’en dix épisodes seulement, elle livre un diaporama exhaustif des travers de nos sociétés actuelles. Un déséquilibré répondant au nom de « Terroriste de la vérité » va mettre en lumière certains maux qui rongent nos deux pays. Malgré ses agissements condamnables, le propos ne sera mis que très rarement en doute par les deux enquêteurs. C’est toute l’absurde nécessité du désespoir qui peut pousser à la lutte armée et au terrorisme. En somme, le terrorisme est fermement condamné comme une solution non viable mais les raisons de son émergence ne sont pas ici minimisées. Nous sommes loin de séries type « NCIS » plus manichéennes. Et c’est une bonne chose en ces temps ou les actes éclipsent les discours. Et parfois l’inverse. Autre point fort, la série nous balade aisément de suspicions en suspicions pour dévoiler des motifs plus personnels à cette croisade terroriste. L’individualisme et l’instrumentalisation des souffrances populaires, autres maux…
Élise Wassermann, la flic française jouée par Clémence Poésy, est une femme renfermé sur elle-même et droite tandis que Stephen Dillane, incarnant Karl Roebuck, le flic britannique est un personnage plus ambigu mais disposant d’un vrai capitale sympathie. Si les deux personnages restent des bons flics, il est intéressant de constater que l’on s’attache plus facilement à Karl, sous ses dehors débonnaires, alors qu’il a entre autre défaut celui d’être infidèle à sa femme pourtant très douce. Tandis qu’Élise est rendu antipathique par sa froide présence bien qu’elle reste irréprochable la saison durant. Aurions-nous davantage besoin de rigolo ? Du pain et des jeux ?
Chaque épisode est donc une occasion de réfléchir sur les tenants et les aboutissants de nos modes de vie. Pêle-mêle, les scénaristes de la série dénoncent à travers les actes du terroriste l’abandon de nos personnes âgées, celui de nos vétérans de guerres, une certaine impuissance de la police face aux réseaux de prostitutions, le travail des enfants dans le tiers-monde, etc. Chaque tableau est l’occasion de manipuler la police et l’opinion publique. Par exemple, en échange de la libération d’enfants, ils demandent sur son blog à la masse de se déchaîner sur plusieurs enseignes de prêt-à-porter. Un coup de colère libératoire que la foule s’empresse d’accepter. Pour mieux recommencer chez emplettes chez la concurrence le lendemain… La série n’épargne pas non plus les PDG de ces chaînes cyniques à souhait et que l’on souhaiterait des caricatures… Avec son esthétique froide comme le tunnel et les bureaux de la PJ, « Tunnel » donne un sens à son constat sociétale triste et sans appel : la société occidentale consumériste est imperméable aux violences quotidiennes et symboliques mais s’émeut à chaque coup de semonces sensationnalistes. Mais finalement, comme au final de la série elle-même, nous sommes tous seul face à nos actes et à leurs conséquences.
Si vous n’avez pas vu la série lors de sa diffusion, procurez-vous vite ce petit trésor télévisuel sans concession.
Retrouvez nos autres critiques sur :