La crypte du Panthéon accueille, outre les tombeaux, un grand écran de télévision dont s'échappe la voix à faire trembler les murs d'André Malraux. Mais ce qui n'est, aujourd'hui, qu'un simple dispositif de retransmission des quelques cérémonies filmées, sera demain un extraordinaire lieu de mémoire : « Ci-gît Home Box Office, la chaîne qui libéra la série ». Pour sûr, les féministes s'élèveront contre cette inhumation ; France 2 invoquera la préférence nationale et Canal + autorisera vainement les sous-titres sur image brouillée. In fine, tous se rangeront à l'idée : il n'y a, au monde, meilleur candidat. Car HBO fait du quasi-cinéma : il reste dans True Detective, mais il ne reste plus que, l'irréductible différence de structure narrative. Différence presque surmontée par Shokuzai, minisérie remontée en diptyque pour la Mostra ; structure narrative qui, à elle seule, contient difficilement l'œuvre dans le petit écran auquel elle se veut, paradoxalement, adaptée. Si la télévision se définit encore, et le débat est ouvert, comme la « radio parlée » d'Orson Welles, reléguant l'image au second plan, alors "it's not TV [anymore], it's HBO". Ni pionnière, ni oasis de qualité dans un désert peuplé d'Experts : Las Vegas, la chaîne américaine confirme cependant sa capacité à faire mieux que parfait. Quelle merveilleuse surprise, d'ailleurs, de retrouver deux acteurs de The Wire dans le premier épisode de la série dont s'agit : Lester Freamon, le true detective ("real police", plus exactement), et Brother Mouzone, réunis de nouveau. À leurs côtés brillent les mines grises de Woody Harrelson et de Matthew McConaughey, l'homme du bayou ; leur performance ne décevra personne. Le duo qu'ils forment, enquêtant sur les meurtres d'un psychopathe dont la mise scène dégage une puissance symbolique nettement supérieure à celle de bon nombre de films, est dirigé par Cary Fukunaga, jeune réalisateur de cinéma. De la double narration assumée par les personnages principaux dans un flashforward, situé plus de quinze ans après les faits et susceptible de se révéler flashback à terme, aux superbes photographie et bande-son, sombres et lourdes, en passant par la musicalité des accent, diction, voix, True Detective fait planer mais ne laisse planer aucun doute sur son succès. Le générique, rien que le générique, rien que le générique...
Aux grands producteurs, les spectateurs reconnaissants.