Aux antipodes d'une série style "Les Experts", "True Detective" s’est imposée comme une série atmosphérique qui nous entraîne avec brio aux origines du "mal", le tout porté par deux acteurs époustouflants. Un phénomène. L'histoire de cette magnifique série est la suivante : interrogés par les autorités, Martin Hart et Rust Cohle se remémorent leur enquête la plus célèbre. Pour ces ex-partenaires de la Division des Enquêtes Criminelles de Louisiane, tout a commencé 17 ans plus tôt... En 1995, Dora Lange, une prostituée, est découverte atrocement assassinée , la mise en scène du cadavre laisse penser qu’un tueur en série aux rituels occultes sévirait en Louisiane. Dès lors, la traque de l’assassin devient une véritable obsession pour Martin et Rust, au risque de détruire leurs vies privées... Série phénomène et phénoménale à plusieurs égards, "True Detective" mérite amplement les éloges qu’elle a récoltés à sa sortie. Anti-"Experts" par excellence, là où cette dernière fonce, tel un TGV, à travers une (voir plusieurs !) intrigue(s) bouclée(s) à chaque épisode sans se soucier réellement des protagonistes, nous voici, ici, installés à bord d’une vieille locomotive à vapeur nous offrant le temps de prendre conscience du voyage. Ainsi, la série fait le choix de traiter une seule enquête sur huit épisodes (certes, complexe) et de s’épancher largement sur la vie privée de nos deux enquêteurs et sur leur relation tumultueuse.
D’un côté Rust, flic solitaire, misanthrope, irascible, fraîchement parachuté en Louisiane (Matthew McConaughey, énorme !), et de l’autre côté Martin, flic apprécié de ses collègues depuis longtemps, père de famille, terre à terre (Woody Harrelson, tout en justesse), auxquels viennent s’ajouter, durant leurs investigations, toute une galerie de portraits, véritables "gueules cassées", paumés en tous genres, reflets d’une Amérique perdue dans cette Louisiane post-ouragan Andrew (1992). Inutile donc de chercher des fusillades, des courses-poursuites, dans cette série d’atmosphère, qui mise avant tout sur la durée plutôt que sur l’immédiateté, exception faite du 4ème épisode et de son incroyable plan-séquence de sept minutes dans ce quartier pavillonnaire de Houston, transformé pour l’occasion en scène de guérilla urbaine et filmé à la façon de Michael Mann, au meilleur de sa forme ! Aussi, même si cette enquête semble classique au premier abord (pistes, indices, interrogatoires, rebondissements), différentes ramifications apparaissent au fil des épisodes (à l’image de ce vieil arbre présent sur la première scène de crime) et complexifient le récit au fur et à mesure qu’il avance. Cette impression est amplifiée par la double narration "passé-présent", montée avec une intelligence rare (voir les scènes d’interrogatoires dont le découpage avec le passé nous rendent témoins directs des mensonges des protagonistes !) et qui apporte une tension et un suspense supplémentaire à l’histoire. Que s’est-il passé entre ces deux époques ? Quel sens à ses interrogatoires ? Quel lien avec l’affaire classée ? Des réponses apportées au compte-gouttes avant que l’effroyable vérité ne se dévoile dans les derniers épisodes. Mais cantonner "True Detective" à une simple série policière serait une grave erreur tant elle aborde de multiples thématiques, comme une réflexion profonde sur le sens de la vie (par le biais de Rust notamment), sur le pardon, la religion, sur la dualité du bien et du mal et subtilement de nous dévoiler son thème central, comme une brume se dissipant progressivement du bayou, celui de l’amitié ! Finalement le sublime générique résume à lui seul la série ("Far from Any Road", titre interprété par The Handsome Family) ! Un véritable chef d'œuvre télévisuel en définitive !