La confrontation entre une famille criminelle archaïque et une mafia capitaliste régie telle une multinationale, l’implication dans la sombre histoire d’un couple de loosers, un curieux brassage des polices et autres forces de l’ordre, un mysticisme populaire pour le moins curieux et les errances d’un indien psychopathe, difficile de clairement cerner cette seconde saison de Fargo. Souvent jubilatoire, ce retour dans les provinces du Minnesota, du Dakota, en 1979, offre à la fois une certaine continuité artistique, rapport à la première saison et au film initial, et un virage marquant dans l’approche de cette série anthologique parmi les plus belles qui soient. Les tréfonds de l’Amérique profonde, en l’occurrence le nord du Midwest, sont une nouvelle fois les théâtres d’une épopée criminelle absurde, d’une tuerie fortuite à une véritable guerre des gangs mafieuse. Dans le fertile terreau des frères Coen, toujours cachés quelque part derrière ces grands moments de télévision, se terrent les ingrédients propres au polar, mais aussi, plus personnels, ceux qui renvoient directement à l’implication dans ce qui les dépasse de citoyens lambda, individus improbables et toujours plus coriaces qu’escompté.
Lyrique, parfois poétique, cette seconde saison est aussi plus disparate que la première, une première saison meilleure, à mon sens. Finis les monstres sacrés incarnés par Martin Freeman et Billy Bob Thornton, finies les références au film, place ici à un ensemble, un contexte, les seventies, à un postulat régional. Les morts violentes s’enchaînent, au grand dam d’agents des forces de l’ordre complètement dépassés, hagards face à une violence qu’ils ne contrôlent plus. La source, du moins l’un des sources, de ce joyeux bain de sang, la maladresse d’un gentil couple, citoyen Alpha commettant bêtises sur bêtises, à l’image d’un certain Lester Nygard précédemment. Un couple incarné par les parfaits Jesse Plemons et Kirsten Dunst, drôles d’oiseaux imprévisibles et beaucoup plus malins qu’il n’y paraît, quoique. Du premier au dernier bain de sang, l’absurdité règne, régit les rapports entre les protagonistes, tous aussi farfelus les uns que les autres, s’opposant entre eux via des dialogues savamment écrits.
Profondément pessimiste, à l’image, toujours, du film référence, cette seconde saison offre son lot d’humour noir, d’échanges cultes, de séquences efficaces. Esthétiquement, ce retour dans les années 70 est une véritable réussite, à l’image de la mise en scène, splendide, au service de la showroom dirigée par Noah Hawley, le véritable cerveau de l’opération. Sans compter sur une bande-son somptueuse, assemblage de thèmes tous aussi percutants les uns que les autres. Tout semble, à vue d’œil, parfait. C’est sans doute le cas, techniquement, du moins. Pour autant, qu’importe les prestations de Dunst, Plemons, Wilson et les autres, ils sont nombreux, nous ne parvenons pas ici à retrouver les énormes charismes des protagonistes de la saison précédente. La narration, elle aussi, peine à rivaliser avec l’efficacité d’une première saison majestueuse. On pourrait ici, point de vue lacunes, quoique, soulever la nette coupure d’intensité due à la direction artistique et narrative prise pour les épisodes 7 et 8.
En définitive, une saison 2 un tantinet nuancée, moins percutante que la première, quand bien même son récit d’avantage audacieux. C’est sans doute à trop vouloir mêler les genres, à inclure à l’histoire principale un certain nombre de curiosités qui aura égaré, momentanément, on se rassure, Noah Hawley et sa troupe créatrice. Au final, qu’importe la comparaison entre les saisons, il s’agit d’un produit haut-de-gamme, un délicieux polar étalé sur dix épisodes, un moment de télévision parmi les plus accrocheurs de l’année. 16/20