Interrogé par la rédaction de The Guardian sur les origines du titre de la série qu'il a créée, Charlie Brooker explique que le Black Mirror (le miroir noir, en français) désigne en fait "tous les écrans qui nous entourent. Sur chaque mur, sur chaque bureau, dans chaque paume de main. Ce sont ceux des ordinateurs, des télévisions et des smartphones." Une appellation intimement liée à la thématique au coeur de la série : le côté obscur des nouvelles technologies et de leur utilisation dans nos vies quotidiennes. "Si ces nouvelles technologies agissent comme une drogue - et cela semble bel et bien être le cas - alors quels sont leurs effets secondaires ? Cette zone - entre plaisir et inconfort -, c'est là que se développent les histoires de Black Mirror", explique le créateur de la série.
Si Charlie Brooker a voulu faire de Black Mirror une anthologie, c'est avant tout parce qu'il est un très grand fan du genre. "J'ai grandi en regardant les épisodes de Play for Today (une série britannique produite par la BBC entre 1970 et 1984, NDLR), qui possédait un côté expérimental que l'on ne retrouve plus vraiment aujourd'hui à la télévision", raconte le scénariste-créateur à Digital Spy. Dead Set (sa précédente création, une minisérie diffusée en 2008 sur Channel 4… comme Black Mirror) fait partie de ces choses que l'on ne voit pas souvent à la télévision. "J'aime ce type d'anthologies où l'on ne sait pas vraiment ce que l'on va découvrir, mais dont on sait qu'elle va vous divertir et en même temps vous déranger. C'est comme ça que l'idée de la série a vu le jour."
Pendant le développement de Black Mirror, Charlie Brooker et les producteurs se sont posés la question de savoir s'il fallait introduire un personnage ou un élément que l'on retrouverait dans tous les épisodes de la série. "Nous avons eu des discussions à ce sujet", confirme le scénariste-créateur de la série, dans un entretien accordé au magazine SFX. "Les histoires devraient-elles se dérouler toutes dans une seule et même rue ? Devrions-nous avoir un groupe de personnages qui apparaîtrait dans chaque épisode, comme dans la trilogie (cinématographique, NDLR) Bleu, Blanc, Rouge ? Nous avons également pensé introduire un personnage qui jouerait les présentateurs, comme dans de nombreuses anthologies… mais plus on y pensait, plus on se disait que ce serait un peu bizarre."
Humoriste, auteur et animateur, Charlie Brooker, qui a imaginé Black Mirror, a un parcours des plus surprenants. S'il a été récompensé du Prix de chroniqueur de l'année en 2009 pour sa contribution au journal The Guardian, Charlton Brooker (c'est son vrai nom) s'est également retrouvé plusieurs fois au centre de polémiques. En 2004, il a notamment déchaîné les passions quand, à la fin d'une chronique évoquant le Président américain George W. Bush en pleine course à la réélection, il a terminé son texte par la phrase : "John Wilkes Booth, Lee Harvey Oswald et John Hinckley, Jr (trois hommes coupables d'attentats ou tentatives d'attentat contre Lincoln, John Fitzgerald Kennedy et Ronald Reagan, NDLR), où êtes-vous quand on a besoin de vous ?" The Guardian a retiré ce texte et Brooker a dû par la suite s'excuser.
L'idée du premier épisode de la saison 2, qui traite de la perte d'un être cher et de l'usage des réseaux sociaux, est venue à Charlie Brooker (qui a écrit l'épisode) alors qu'il venait d'avoir un bébé avec sa femme. A l'époque, il ne sortait pas beaucoup, et l'essentiel de ses contacts avec ses amis se faisait par les réseaux sociaux. Là, j'ai été frappé par une pensée, raconte l'intéressé au site britannique Wired. "Qu'est-ce qui se passerait si en fait, tous ces gens étaient morts (…) remplacés par un logiciel pourvu d'une intelligence artificielle qui a lu tous leurs messages précédents et les imitaient ?" Il avoue également y avoir pensé après avoir constaté, en changeant de téléphone, qu'il a conservé dans son répertoire numérique le numéro d'une personne qui était décédée.
En développant l'intrigue du troisième épisode de la saison 2, Charlie Brooker a en fait exploité une idée qu'il avait eu plusieurs années plus tôt, alors qu'ils écrivaient ensemble la série Nathan Barley, une sitcom qui s'intéresse avec acidité à la montée en puissance d'internet et du numérique au milieu des années 2000. C'est en tout cas ce qu'il a expliqué à Wired. "Nous nous sommes dit 'qu'est-ce qui se passerait si quelqu'un inscrivait une sorte de mascotte animée', comme celle que l'on voit dans les clips du groupe musical Gorillaz, à une élection ? (…) tout à coup, vous vous rendez compte qu'elle a toutes sortes d'avantages sur une personne réelle, parce que c'est comme une sorte de robot. Elle ne peut jamais avoir tort." Dans Black Mirror, le concept a sensiblement dérivé… mais l'idée centrale, elle, est bien là.
Charlie Brooker a écrit le troisième épisode de la saison 2, "White Bear", après plusieurs reportages réalisés en Libye pendant la chute de Muhammar Kadhafi. "C'est la première fois que je voyais des touristes dans une zone de guerre. A côté des réservoirs en feu, on pouvait voir des gens en train de filmer la scène avec leur smartphone. Et puis il y a eu le moment où le corps de Kadhafi a été présenté au peuple. Il y a eu ce plan particulièrement horrible où le caméraman filmait la scène en contre-plongée, et où on pouvait voir les gens se pencher sur le corps, le téléphone à la main, pour prendre une photo souvenir. On se serait cru dans L'armée des morts. Sauf que là, les gens ne venaient pas se partager de la chair mais les images d'un corps."
Si Charlie Brooker a participé à l'écriture des six épisodes des saisons 1 et 2, il a cependant travaillé avec deux co-auteurs en saison 1. Le premier est une femme… et pas n'importe laquelle puisqu'il s'agit de l'épouse du créateur de Black Mirror. Konnie Huq est en effet la co-scénariste de l'épisode 2, "Fifteen Million Merits". Si elle n'a pas participé à l'écriture de la saison 2, elle a cependant laissé des notes à son mari pour l'aiguiller. C'est en tout cas ce que ce dernier a confié à Channel 4. Le second, Jesse Armstrong, est le scénariste de "The Entire History of You" (épisode 3). Il est connu pour avoir contribué notamment sur la série The Thick of It. Il a également écrit le script d'un épisode de Veep (toutes les deux ont été créées par le même scénariste-producteur, Armando Iannucci).
Si l'écriture des deux premières saisons de Black Mirror a été gérée par Charlie Brooker, les réalisateurs et autres compositeurs en charge de l'illustration musicale se sont succédés les uns aux autres. Chaque épisode a effectivement été dirigé par un metteur en scène différent. Parmi eux, on trouve le Gallois Euros Lyn, un habitué de l'univers de Doctor Who et Torchwood qui a aussi travaillé sur Last Tango in Halifax. Ou encore Otto Bathurst, réalisateur de plusieurs épisodes de la saison 1 de Peaky Blinders. Côté musique, on notera la présence de Stephen McKeon, connu pour son travail sur Hercule Poirot et Nick Cutter et les Portes du temps, entre autres. Mais aussi celle de Jon Opstad, qui a oeuvré sur Retour à Whitechapel, Affaires non classées ou encore Hunted.
D'une histoire à l'autre, Black Mirror a vu défiler de nombreux comédiens connus. Dans le premier épisode, les téléspectateurs peuvent reconnaître Rory Kinnear (Casino Royale, Penny Dreadful) et Lindsay Duncan (Servilia dans Rome). Dans "15 Million Merits" (l'épisode 2), le public retrouve Rupert Everett (Le mariage de mon meilleur ami) et Julia Davis (Love Actually). Dans "The Entire History of You", c'est Jodie Whittaker (la mère de Danny dans Broadchurch) qui tient l'un des premiers rôles. Hayley Atwell, vedette de l'épisode "Be Right Back", incarne, elle, Peggy Carter dans Captain America : le soldat de l'hiver. Lenora Crichlow, au générique de "White Bear", était une des vedettes de Being Human et Back in the Game. Enfin, dans "The Waldo Moment", l'interprète de Jack Napier, Jason Flemyng, est apparu dans Arnaques, crimes et botanique.