Toujours difficile de noter une saison de « Black Mirror » tant la dimension « anthologique » de chaque épisode facilite les disparités de ressentis. Le problème s’était déjà posé pour les saisons précédentes, mais au final le constat était toujours le même : l’audace globale de la démarche, et surtout la pertinence du regard porté sur notre société a toujours su l’emporter chez moi. Ainsi, je savais pardonner aux épisodes plus faibles pour ne retenir que la brillance des épisodes plus forts, et la note de « 5 étoiles » s’imposait (presque) toujours comme une évidence. Pour cette fois-ci, pourtant, je vais descendre d’un cran. Non pas que la magie « Black Mirror » n’ait pas su fonctionner sur moi cette fois-ci : loin de là. Encore une fois, j’ai lancé chaque épisode avec curiosité et ai toujours été aussi surpris de leur capacité à poser aussi vite leur sujet et leur intrigue. C’est efficace et clair. Ça conduit toujours vers un questionnement passionnant du sujet, le tout mené avec beaucoup d’habilité et de profondeur. D’ailleurs, une fois de plus, je peux citer sans souci dans cette saison le nom d’un épisode qui m’a bouleversé d’intelligence et foudroyé de plaisir. Pour le coup, ici, c’est l’épisode 4 : « Hang The DJ ». Réalisé par Tim Van Patten. Tout est à son paroxysme. Postulat de départ qui pose le doigt sur quelque-chose de fondamental dans la reconstruction de nos sociétés numériques : la place de l’algorithme dans la constitution de nos relations amoureuses. Développement intrigant mais ne perdant pas de vue l’humain, sachant notamment s’appuyer sur des personnages que j’ai trouvé très touchants. Pas de tabou. Pas de filtre. Et à la fin, un changement de perspective qui vient porter la question sur un autre plan, et qui surtout parvient à lui donner une dimension à plusieurs facettes, à la fois pleine d’espoir et pleine de cynisme en même temps. Rien que pour cet épisode là, je ne peux que valider cette saison. Et quand je me dis qu’à ce « Hang The DJ » s’ajoute aussi quelques autres belles expériences comme c’est le cas du premier épisode « USS Callister » ou bien encore de ce trip assez osé de survival minimaliste qu’est « Tête de métal », je me dis que cette saison 4 a fait pleinement son boulot, et cela plus qu’honnêtement… Seulement voilà, étonnamment, je ne peux m’empêcher d’avoir quelques petites réserves ici ou là ; des réserves qui résonnent d’autant plus qu’elles me font craindre des choses pour la suite. D’abord, j’avoue que je me suis surpris à plusieurs reprises à ressentir une impression de déjà-vu. Voir Jesse Plemons se poser une petite pastille sur le crâne pour jouer (épisode 1), ça me faisait quand même vachement penser à l’épisode 2 de la saison 3 (« Playtest »). De même, voir Andrea Riseborough se faire prélever ses souvenirs visuels pour des broutilles quotidiennes dans l’épisode 3 (« Crocodile »), ou bien la petite gamine blonde de l’épisode 2 qui se faire poser une sorte d’implant de vigilance enfant, tout ça me faisait aussi penser à une forme de déclinaison de l’excellent épisode 3 de la saison 1 (« Retour sur image »). Alors certes, ce n’est pas totalement la même chose, j’en conviens. Mais en commençant ainsi à développer des déclinaisons de sujets déjà traités, qui plus est sur les trois premiers épisodes, ça rompt quand même avec l’une des forces de cette série qui est de nous plonger dans un monde et une logique totalement nouvelles à chaque épisode. Ensuite, à cette impression de déjà-vu, j’ai eu aussi l’impression de ressentir une impression d’usure, et ce sur plusieurs aspects. D’abord j’ai perçu assez régulièrement une certaine forme d’incapacité à surprendre. C’est à mon sens le cas de l’épisode 2, réalisé par Jodie Foster (pas idiot mais sans surprise), de l’épisode 3 de John Hillcoat que je trouve très basique dans ses ressorts et franchement pas très intéressant dans ce qu’il montre et dans ce qu’il dit. (Pour moi c’est le pire épisode de la série avec l’épisode 3 de la saison précédente : « Tais-toi et danse ».) et c’est d’une certaine manière aussi le cas de l’avant-dernier épisode « Tête de métal ». Certes, pour le dernier cas on a affaire à quelque-chose de particulier parce qu’on est dans une démarche qui se veut volontairement orientée vers le survival, mais ce qui tient dans la logique propre à l’épisode colle moins à la logique et à l’identité de la série. Parce que là, pour le coup, difficile de dire qu’il y ait eu dans cet épisode une question vraiment creusée. Et puis l’usure, je n’ai aussi sentie dans le dernier épisode. En soi, je l’apprécie cet épisode parce qu’il sait jouer d’une tonalité qui me plait dans la série : j’entends par là cette confrontation permanente entre une tendresse brute et un cynisme cruel. Et même si au départ l’épisode a un petit côté décousu, le final parvient à tout reficeler très intelligemment. Seulement voilà, ce dernier épisode, à vouloir glisser des micro-histoires à l’intérieur d’une histoire plus grande, donne l’impression d’être une sorte de recyclage d’embryons d’histoire qu’on a rassemblé ensemble pour faire un épisode à la taille convenable. Alors encore une fois, j’insiste sur le fait qu’au final, je trouve que ça tiens intelligemment la route. Mais les signes d’épuisement sont nombreux et ça m’inquiète. Et si d’un côté ça n’a que partiellement affecté mon appréciation de cette saison, ça me fait craindre le pire pour la saison 5. J’adore cette série et du coup j’espère que l’ami Charlie Brooker saura s’arrêter à temps… Il ne faudrait pas que cette perle de série soit ternie par une dilution dans des épisodes de moins bonne facture… Bon après, ce n’est que mon point de vue. Donc si vous n’êtes pas d’accord et que vous voulez qu’on en discute, n’hésitez pas et venez me retrouver sur lhommegrenouille.over-blog.com. Parce que le débat, moi j’aime ça… ;-)