L’empire du numérique, nous y sommes. L’échiquier est en place, dont nous sommes les pions de cet univers à la fois immatériel et aléatoires dans les conséquences qu’il génère. La nouvelle série britannique ne perd pas de temps en termes de narration et va droit au but avec une fermeté crispante. Si un épisode se concentre sur un sujet à la fois, la même thématique ne ressort, celle des limites technologiques, liées à leur utilisation excessive ou à bien des déviances notables. Seul, face à la machine dépourvue d’humanité, l’homme se dresse puis s’incline devant sa création incontrôlable.
Le schéma de lecture reste souvent identique. On introduit un instant t, où la technologie décrite est assimilée au quotidien et à la culture. On slalome entre les exemples concrets qui dominent les écrans, à savoir les réseaux sociaux et la télé-réalité. L’échange d’informations est un outil si banalisé à notre époque qu’il peut être compliqué de faire ouvrir les yeux sur des défauts. Puis la chute est à l’échelle humaine, car on considère le progrès comme un nouveau système. Une poignée de personnages ordinaire, noyés dans la masse, traverse avec vulnérabilité la cascade du désespoir et de l’autodestruction. On pourrait s’attarder sur chaque épisode, où les illustrations se diversifient, afin d’en faire une analyse complète. Les auteurs varient et le style se rafraîchit de saison en saison. Le rapport de qualité est également victime d’une cadence très soutenue, car chaque aventure prend plus ou moins de temps pour véhiculer son message et sa morale, parfois facile mais sincère.
Nous pouvons parler de dépendance au numérique, cependant ce serait aborder le sujet avec modestie. Nous parlons plutôt d’esclavage, où l’Homme se heurte à sa sensibilité, à la fois le bouclier et l’épée qui le définissent. La culture du numérique finit par déshumaniser les utilisateurs et les fait douter de leur nature civilisée. Les sens sont bousculés reflète l’incapacité de l’homme dans sa gestion des émotions. On y trouve alors de la créativité, là où la dramaturgie parvient à s’affirmer par la même occasion. Toutefois, il existe un peu de retenu lorsque que la clé de voûte est rapidement acquise par le spectateur. Il reste malgré tout un amas de questionnements, ainsi qu’une profonde réflexion sur la condition humaine, vis-à-vis de la dépendance aux écrans.
Ainsi, « Black Mirror » aborde les revers technologiques avec un recul intéressant dans les faits. La série passe par une zone de confort que l’on prend un malin plaisir à déstructurer afin d’identifier les difficultés dans la gestion d’un avenir saint et futuriste. Charlie Booker, créateur de sensation et révélateur d’un enfer permanent, isole le spectateur par le même outil qu’il essaye de combattre. Dans la mesure où il parvient à rendre son message crédible, il gagne tout dans la forme. La série ne juge pas, elle alerte avec une prescience divertissante. Elle offre aux spectateurs un angle de vue exceptionnelle, où ces derniers devront avoir le recul nécessaire pour en capter les valeurs.