Sujet passionnant, risqué, et beaucoup de biftons sur la table pour produire : voilà une série qui forcément interpelle et donne envie de la regarder. D’ailleurs, premier intérêt que je reconnais tout de suite à ce « Marco Polo » : c’est très beau, très bien mis en scène et très bien joué (avec mention spéciale pour Benedict Wong qui surclasse tout le monde dans sa remarquable incarnation de Kubilai Khan, rôle casse-gueule dont il se sort parfaitement bien). Là, pour le coup, la grosse production, on la sent, et on la sent dans le bon sens du terme. Parce que oui, contrairement au monde du cinéma, le spectateur de série est ici perçu comme quelqu’un qui va vers l’audace et le raffinement, pas vers le déluge bourrin d’action et d’effets spéciaux (on sent bien que Netflix entend là s’installer sur le territoire d’HBO). Du coup, on a quand même le droit à une belle écriture qui prend le temps de creuser les enjeux et les personnages, on a aussi le droit à de beaux décors, à quelques scènes rondement menées (
le combat entre Kubilai et Ariq est pour moi vraiment sublime
) et aussi à une certaine audace. Parce que oui encore : oser poser toute une intrigue en Asie, dans un univers mongol qui ne fait pas forcément partie des représentations culturelles courantes, c’est quand même culotté. Alors après, les gars sont malins : ils savent aussi très bien jouer des clichés et autres images d’Epinal sur l’Orient médiéval, chose dont les Occidentaux sont toujours plus ou moins friands (
Entre les chanceliers maîtres d’art martiaux et le moine aveugle maître en philosophie « fortune cookie » - … et d’art martiaux ! - on atteint quand même un must à ce niveau là.
) Du coup, arrivé à ce point de ma critique, vous allez peut-être vous étonner de ce concert de louanges associé à une note finalement assez médiane. Bah oui, mais c’est que ce « Marco Polo » souffre quand même un petit peu de son postulat. Il tente l’audace mais ne veut pas aller trop loin. Il recherche l’Histoire, mais ne veut pas s’éloigner du fantasme, et, du coup, à contenter les deux tendances, la série finit par se retrouver le cul entre deux chaises. Alors j’entends l’argument qui consiste à dire que, en fin de compte, cette série adopte un peu la posture du « Livre des merveilles », c’est-à-dire une vision un peu fantasmée telle que le véritable Marco nous l’a transmise. Soit, c’est malin. Mais bon, du coup, moi ça perturbe aussi mon immersion. Très rapidement, j’ai oublié le véritable Marco pour ne suivre que cette fantaisie un peu déconnectée du réel et, du coup, j’ai eu du mal à m’y retrouver dans cette Chine préfabriquée. Surtout que, bon, quand on connait un petit peu les événements historiques relatés, on peut trouver que l’intrigue se fait très soupe au lait pour y parvenir. Et c’est d’ailleurs ce qui manque certainement le plus dans cette série : du mordant. Certes, c’est bien écrit, il y a de bons enjeux, mais ils sont finalement un peu trop sages et stéréotypés pour compenser une action qui s’écoule très lentement. Ce n’est pas compliqué – je l’avoue – j’ai suivi cette série en regardant un épisode de temps en temps, appréciant le moment passé, mais sans ressentir cette dépendance ou tout simplement cette envie de poursuivre à la fin d’un épisode. C’est bête, mais pour moi ce n’est pas anodin. C’est ce qui différencie selon moi les bonnes séries des très bonnes séries, voire des excellentes séries. Après, peut-être que Netflix se risquera à une saison 2 et que, moins effrayé par l’enjeu financier, elle se risquera à davantage d’audace ! Je croise les doigts…