Nul doute que nous entendrons beaucoup parler de Jane Campion en 2014, puisqu'elle sera la présidente du jury du prochain Festival de Cannes. Mais en 2013, la réalisatrice néo-zélandaise nous a déjà régalés d'une mini-série de six épisodes, totalement haletante et très immergente dans des paysages de l'autre bout du monde.
En Nouvelle-Zélande, aux abords d'un lac immense entouré d'une nature somptueuse, gigantesque et inquiétante de si peu d'humanité, Tui, une jeune adolescente de 12 ans mystérieusement enceinte, disparaît. Laketop, la ville à proximité du lac, n'est guère plus humaine que les sombres forêts alentours: entre trafiquants de drogue dérangés, bikers imbibés et notables cyniques, on comprend peu à peu la terreur de la gamine à défaut de ce qui l'aurait poussé à fuir. Car s'ils boivent encore du thé, il semble que les descendants des sujets de sa gracieuse majesté soient retournés à l'état sauvage dans cette petite bourgade repliée sur elle-même. Un camp presque sectaire, du nom de Paradise, fait la liaison entre la ville et les espaces naturels. Aménagé de quelques containers, il est peuplé de femmes à la dérive évoluant dans une pseudo-spiritualité autour d'un gourou interprété avec beaucoup de talent par Holly Hunter. Ce lieu des vérités révélées laisse tout autant les hommes livrés à eux-même. Tui y passe, mais disparaît très vite une fois encore.
Comme ange et démon, seules deux personnes se soucient réellement de retrouver la gamine dont les chances de survie sont minces dans la forêt: son père, parrain de la drogue ultra-violent, instable et menaçant, et une femme flic de Sydney, native de Laketop, Robin Griffin. Perdue dans une vie qui pourrait être rangée mais qui ne lui correspond pas, Robin est hantée par les traumatismes de son adolescence auxquels elle doit faire face du fait de son retour. Attirée par la marge plus qu'elle n'ose se l'avouer, l'histoire de Tui a pour elle un écho très personnel. Retrouver, sauver la petite devient une question de vie ou de mort, et pas seulement pour l'adolescente, loin s'en faut. Elisabeth Moss, déjà très remarquée dans Mad Men, compose ici un personnage complexe et très crédible. Elle vient d'ailleurs de remporter pour ce rôle le prix de la meilleure actrice dans une mini-série lors des derniers Golden Globes. Amplement mérité !
Top of the lake captive et inquiète. On navigue sans cesse entre les faits bruts et les obsessions des personnages, ce qui donne parfois un étrange sentiment de distorsion de la réalité. Et quand on pense être à deux doigts de basculer dans quelque chose de presque mystique, le polar revient imposer ses codes.
Les paysages néo-zélandais sont à couper le souffle. Ils m'ont d'ailleurs amenée à m'interroger sur ce pays dont je me suis rendue compte que je ne connaissais rien si ce n'est deux ou trois clichés, comme le rugby ou les moutons. Cette nature extraordinaire et le sentiment d'immensité inquiétante qu'elle véhicule sont pour beaucoup dans l'ambiance très aboutie de cette série. Jane Campion dit s'être inspirée de The Killing version US, réalisation elle-même inspirée du Forbrydelsen danois que j'adore. Les atmosphères de ces séries policières, extrêmement travaillées, sont une indéniable réussite et resteront je pense comme une signature.