Dans la catégorie des séries plus ou moins osées, Masters of Sex, nouveau produit de l’écurie Showtime, fait figure de petite référence. S’appuyant en effet sur l’étude véridique d’un médecin renommé et d’une chanteuse, étudiante en médecine, en 1956 dans le Missouri, à St-Louis, la série narre la première investigation médicale sur le phénomène de l’orgasme, de la tension sexuelle et des réactions du corps durant l’ébat. Dans l’Amérique puritaine des années 50, le premier défi consiste à faire passer ce programme pour important aux yeux du corps médical. Le reste n’est que péripéties, constatations et vagues suppositions, parfois amusantes, parfois instructives, mais toujours utiles à l’avancée du scénario. Répartis sur 12 épisodes, les premiers pas du docteur William ‘’Bill’’ Masters et de Virginia Johnson dans les méandres profondes de la sexualité sont captivants, d’où une réussite sincère de la part du showrunner, livrant à la fois une série dramatique et comique traditionnelle mais aussi particulièrement retorse sur le plan psychologique.
Nul élément n’est ici tabou. Pour tout dire, sans la moindre vulgarité ni même surenchère, la série approfondi son sujet avec une certaine classe narrative et artistique. La mise en scène, très soignée, nous renvoie parfois au cinéma, de même que les interprétations généreuses et remarquables des comédiens principaux, Micheal Sheen et Lizzy Caplan. Chacun des deux comédiens, issus du cinéma, trouve ici une parfaite symbiose et surtout l’occasion indéniable de démontrer un talent trop discret. La palme revient bien entendu à Michael Sheen, personnage curieusement attachant alors qu’il s’efforce d’être détestable. L’anti-héros de série par excellence, donc, implanté dans un contexte médical et sexuel que la télévision n’aurait jamais évoqué il y a à peine vingt ans de ça. On peut donc affirmer, la preuve en est de la présence de Beau Bridges dans un rôle clef passablement difficile à jouer, que la production à visé la qualité alors qu’il aurait été facile de racoler. En effet, un tel sujet, dans les mains de personnes peu soigneuses, aurait été fâcheusement inconsistant et tout simplement inintéressant.
Masters of Sex, donc, série médicale, historique et finalement sentimentale, m’aura étonné de par son ton résolument professionnel. On pourrait pour autant, quand bien même cette saison soit une excellente première volée, émettre quelques réserves quant à certaines coupes narratives entres les épisodes ou face à une certaine naïveté dans le traitement des amourettes de nos protagonistes. En effet, il arrivera à plusieurs reprises que les écarts temporels entre les différents évènements ne soient pas très clairs. Pas d’importance capitale, certes, mais la vision des épisodes peut en être parfois altérée. Pour ce qui est des relations, notamment de Virginia, l’ingénue secrétaire puis assistante de docteur Masters, le tout n’est pas foncièrement passionnant. Pour dire la vérité, chaque éloignement du centre de gravité de la série, le personnage de Michael Sheen, l’intérêt s’estompe quelque peu. Les épisodes au centre de la saison, mettant parfois l’accent sur des personnages annexes, ne sont alors pas aussi saisissants que les premiers et derniers efforts de cette première saison.
Le final de cette première volée étant satisfaisant, laissant ouvertes toutes les portes possibles et imaginables, on ne peut que supposer un remue-ménage lors de la seconde saison. Il s’agissait ici de débuter cette fameuse étude, de l’éprouver puis de la présenter, le tout dans le cadre strict d’un hôpital universitaire. On pressent que le vent tournera et pouvons nous en réjouir. Voilà donc une série passablement ingénieuse, soignée, bien amorcée, qui renforce le statut provocateur mais responsable de Showtime, à l’heure d’une diabolique concurrence entre les entrepreneurs de télévision. Fortement conseillée. 16/20