« Par le scénariste de Lost ». Pour moi, il n’en fallait pas plus pour me refroidir. « Lost », c’est vrai je n’ai pas vraiment suivi rigoureusement (d’ailleurs je me suis bien gardé d’un faire une critique), mais bon, jamais je n’ai vraiment eu envie de m’y risquer tant ce que j’en avais vu me rebutait. Personnages creux, mysticisme à deux balles, intrigue qui n’avance pas… et pourtant c’était là une série encensée comme l’une des plus grandes séries de tous les temps. Alors bon, quand j’ai constaté que ces « Leftovers » avaient été aussi encensés, et cela presque unanimement, forcément je me suis méfié, surtout que le sujet avait beau être très intrigant, il se révèlait aussi remarquablement casse-gueule. Du coup, je ne le cache pas, mais j’ai vraiment suivi le premier épisode un peu crispé. Les cris d’orfraies au moment du drame, les commémorations mielleuses, les personnages beaux gosses de série pour ados, et presque à certains moments des soupçons de magie ?... Ouille, méfiance… Seulement voilà. Au milieu de tout cela, la série commence aussi à nous dessiner très rapidement de délicates fissures ; des fissures de l'American Way of Life ; des fissures d'une certaine vision idyllique de la vie ; les fissures d'une croyance en un paradis dans lequel, finalement, jamais personne n'a vécu... Et pour le coup, la série révèle assez rapidement son habilité à manipuler ces faux-semblants, pour nous manipuler nous. Pour moi, la conquête fut progressive, mais elle fut réelle. Surtout, elle fut profonde. L'air de rien, « Leftovers » part d'un postulat, certes diablement original, mais finalement tout ce qu'il y a de plus simple : la disparition et le sentiment qu'elle engendre. Encore une fois, cette série démontre que le talent des plus grandes oeuvres n'est pas de prendre un sujet original mais de savoir le traiter avec originalité. Et c'est là toute la force de cette série que de parvenir, épisode après épisode, à nous faire parcourir tous ces aspects de la disparition qu'on ne s'était imaginé : la disparition de l'autre, la disparition de la naïveté, la disparition de l'envie, la disparition de l'espoir... En cela, l'efficacité de cette série repose sur sa remarquable forme. La réalisation est somptueuse, l'habillage musical de Max Richter est tout simplement l'un des plus beaux que j'ai entendu ces derniers temps dans une série, mais surtout les amis Lindelhof et Perrotta maitrisent à merveille l'art de la mise en intrigue et du mystère. C'est toujours pile ce qu'il faut, sur la lame du rasoir en ce qui concerne le rapport au fantastique, mais c'est justement grâce à cette manière de faire que la série fonctionne et rend son propos intelligible et sensible. Alors certes, il m'a fallu un certain nombre d'épisodes pour que mes craintes s'effacent, pour que je prenne conscience que je suis entre de bonnes mains, mais le résultat au final a été là. Cette première saison de « Leftovers » m'a marqué, profondément, et je suis désormais totalement dépendant à la future saison 2 à venir. Parce que, l'air de rien, il y a encore de belles pistes que la série nous maintient sous le coude et, rien qu'avec ça, je me dis qu'il y a fort à parier que le meilleur nous attend encore...