Habitué de séries LGBT, c'est avec une certaine réticence que j'ai découvert le premier épisode de Cucumber. Pas d'esthétisme ici, que ce soit dans la mise en scène comme dans le choix des protagonistes, d'habitudes si "vendeurs" pour une communauté gay à la recherche d'une certaine respectabilité convenue calquée sur le modèle fantasmé des relations de couple hétérosexuelles. Oui, d'habitude les personnages forts de ce type de format sont branchés, attractifs, sexuellement ET socialement, sont dans une forme de liberté d'être où se côtoient moment d'héroïsme et envolées lyriques avec toujours, en toile de fond, cette idée qu'afficher et vivre pleinement sa sexualité est une forme de subversion libératrice qui mène à la puissance. Etre gay, c'est courageux, définitivement cool et est le gage d'une vraie liberté de conscience! Ce genre de série donne des complexes aux hétéros d'abord (le but pour flatter l'égaux des téléspectateurs LGBT, justement) mais en donne surtout à tous ceux qui, comme moi, se sentent à mille lieues de ses personnages...
Cucumber est d'un tout autre genre. La série montre sans élégance, sans filtre, sans dramaturgie excessive les difficultés à avancer dans une société où l'humain se retrouve prisonnier des normes (multiples), de la standardisation, des étiquettes qui réduisent. C'est une série profondément humaine pour ce qu'elle nous montre de la complexité à vivre avec ce grand écart que l'on pratique tous, entre la relation avec soi ET la relation à l'autre. Cucumber ne sert pas la mythologie de ses personnages, elle les dépeint tour à tour complexes, serviles, ridicules, criant à l'aide, désinvoltes et lâches!
D'illusions légères en désillusions brutales, de détresse en véritable moment d'authenticité, jamais glorieuse ni flatteuse lorsqu'il s'agit de parler du cœur de nos pensées les plus inavouables, Cucumber est un petit bijou d'écriture à réserver toutefois à un publique qui n'attend pas la punchline mécanique. Celle qui saurait le sauver de ce court moment d'introspection ressenti après le visionnage d'un épisode.
Bouleversant.