Au Service de la France est la première création sérielle de Jean-François Halin, notamment connu pour avoir écrit les deux opus des aventures de OSS 117, avec Jean Dujardin. A ses côtés, on retrouve également les scénaristes Claire Lemaréchal et Jean-André Yerlès, qui ont déjà travaillé ensemble sur Fais pas ci, fais pas ça.
Jean-François Halin souhaitait inscrire son projet dans le contexte des années 60, afin de créer un décalage entre cette période charnière de l’Histoire de France et l’aspect comique des personnages. "Avec Gilles de Verdière, le producteur de la série, nous avons eu l’idée de creuser l’antagonisme entre une vie d’espion, que l’on imagine palpitante, et ce côté bureaucratique très tatillon, ringard, qu’on entrevoyait déjà dans une courte scène d’OSS. Au "service", le vol d’un trombone est aussi important qu’une crise à Cuba.", a-t-il confié, en ce sens, à Télérama.
Au Service de la France a mis cinq ans à voir le jour. En effet, la série est d’abord destinée à Canal+, où elle est développée pendant 18 mois. Pourtant, les scénaristes n’arrivent pas à trouver un terrain d’entente avec la chaîne, qu’ils décident de quitter. "Canal aimait toujours l’idée mais n’aimait pas vraiment ce que mes co-scénaristes et moi en faisions. Ils reprochaient le fait que notre héros ne soit pas drôle, alors que c’était justement ce qu’on recherchait.", a précisé Jean-François Halin aux Inrocks. Néanmoins, le producteur Gilles Verdière n’a pas baissé les bras, si bien que le projet a finalement été récupéré par Arte.
La saison 1 a été dirigée par Alexandre Courtès, réalisateur de cinéma (The Incident, Les Infidèles) et de clips musicaux. Quant à la saison 2, elle a été réalisée par Alexis Charrier, un habitué du petit écran (Coeur océan, Talons aiguilles & bottes de paille).
Au Service de la France s’appuie sur un univers visuel réaliste, stylé et élégant. Une volonté du réalisateur Alexandre Courtès, qui ne souhaitait pas en faire une série vintage ou parodique. "Il y avait, dans le scénario, des descriptions de décors, avec cet open-space qui contient d’un côté un vieux bureau des années 1930 et au-dessus le planisphère, qui est un symbole de modernité (et c’est pour ça qu’il ne marche jamais), et l’aquarium, cette pièce avec des baies vitrées où se tiennent les réunions importantes. C’est un décor à l’image de la France de 1960, qui va vers le futur mais qui sort en même temps de l’après-guerre. La série n’avait pas des budgets colossaux et Alexandre Courtès s’est donc beaucoup battu pour qu’on ait ce décor si original. Mais ensuite, toute la direction artistique vient de lui. Il est très doué.", commente d’ailleurs Jean-François Halin pour Première.
Chaque comédien possède sa source d’inspiration spécifique pour incarner leur personnage. Hugo Becker a notamment étudié le style de Roger Moore dans Le Saint et James Bond, ainsi que la diction de Belmondo. Wilfred Benaïche a revu les conférences de presse du général de Gaulle pour s’approprier son langage alambiqué, similaire à celui du colonel Mercaillon. Pour sa part, Christophe Kourotchkine a avoué toute son admiration pour Jean Rochefort et Bernard Blier, revus dans Le Grand Blond. Enfin, Marie-Julie Baup s’est remémorée les films de Jacques Demy pour son interprétation de la pimpante secrétaire Marie-Jo. A l’opposée, Joséphine de la Baume a cherché à capturer ce qui émane de Mme Robinson (Anne Bancroft) dans Le Lauréat, afin de mieux se glisser dans la peau de Clayborn, l’archétype de la femme fatale.
A travers l’humour, la série cherche à apporter un regard critique sur l’histoire mais aussi sur la société contemporaine française, comme le rappelle Hugo Becker à Télérama : "Au Service de la France critique notre comportement face aux étrangers, notre méritocratie et la bureaucratie des années 60 - qui n’est pas tout à fait morte, pense-t-on souvent. Elle s’amuse à faire du ‘french bashing’, à rire de notre obsession pour le décorum, les formulaires, les médailles…"
La bande originale de la série est signée Nicolas Godin, du groupe Air. Ce dernier a été sollicité par le réalisateur Alexandre Courtès, dans l’optique de rendre hommage aux musiques de séries télévisées des années 60, et spécifiquement à celles narrant les aventures d’agents secrets telles que Mission impossible. C’est avec plaisir que le compositeur s’est replongé dans les techniques de composition et d’enregistrement de la musique de studio des années 60, notamment influencé par Lalo Shiffrin, John Barry, Jerry Goldsmith, Henri Mancini, ou encore Michel Magne et François de Roubaix.
Outre Hugo Becker, qui bénéficie d’une certaine notoriété grâce à ses rôles dans Chefs, Gossip Girl ou Baron Noir, le reste du casting est constitué de comédiens peu connus. Un choix voulu et assumé par le créateur, Jean-François Halin. "Le mari de ma soeur, qui est américain, m’a confié un jour que s’ils ont aimé The Artist aux Etats-Unis, c’est parce qu’ils n’avaient jamais vu Jean Dujardin sauver la terre ou tomber amoureux de Glenn Glose dans un film. Il est tout de suite George Valentin, le héros de The Artist. Avec les acteurs de la série, on a de ça.", a-t-il justifié au Nouvel Observateur.
Le second degré qui émane du scénario a immédiatement séduit l’interprète principal, Hugo Becker, comme il l’a confié à Télé 7 Jours : "Ca n’est pas juste rigolo : ça revisite, de manière très corrosive, l’histoire de France des années 60. (…) On est loin de l’espion très grand, très beau, très fort. Accepter une comédie avec autant d’autodérision, c’était un défi. Se foutre de soi de temps en temps, c’est pas mal, non ? Et puis je m’éloigne de ce que je fais d’habitude, des personnages terriens et sombres, comme Romain dans Chefs."
Mathilde Warnier, l’interprète de Sophie, présente un parcours des plus atypiques. En effet, après avoir préparé le concours de l’école du Louvre afin de devenir restauratrice de tableaux, la jeune fille s’oriente finalement vers la production audiovisuelle. Elle se fait remarquée en 2011, lorsqu’elle invective Nicolas Bedos sur le plateau de l’émission de TF1, "Au Field de la nuit", dont elle devient ensuite une chroniqueuse régulière. Parallèlement, elle est repérée par un agent de mannequin et enchaîne les contrats publicitaires (Evian, Lacoste, parfum Anaïs Anaïs de Cacharel…). Assez naturellement, Mathilde Warnier intègre le milieu du cinéma (A toute épreuve, Caprice), jusqu’à rejoindre le casting de la série Au Service de la France, en 2014.
L’équipe créative d’Au Service de la France a opéré certains changements pour la deuxième saison, notamment vis-a-vis des personnages féminins et de leur émancipation. "Avec les co-scénaristes de la série, cela nous amusait d’assister à leur évolution au travers du regard des agents, toujours aussi misogynes et phallocrates", souligne Jean-François Halin à PureMédias.