Le plus grand défaut de cette série, de bout en bout, est qu'elle est produite par la chaîne History, bien connue pour être à l'histoire ce qu'est l'astrologie à la science : une supercherie.
Soyons clairs : si vous aimez l'atmosphère de tensions entre Vikings et Anglo-Saxons, préférez de loin Last Kingdom.
Le scénario oscille régulièrement entre trois écueils : la légende telle qu'elle est connue (Ragnar Lothbrok n'est pas un personnage avéré, sa légende est plus orientée sur le Danemark et la Suède que sur la Norvège et des personnages ne figurent pas dans les sagas, comme Rollo), l'histoire factuelle (la série cumule un nombre invraisemblable d'erreurs de personnages, d'événements, de dates, de représentations) et la romance (un fatras de trahisons le plus souvent absurdes ou mal amenées, des coucheries à la pelle, des fratries déchirées sans plus d'originalité que dans des soap operas, des personnages stéréotypés à l'extrême). Le tout finit par devenir une soupe imbuvable et répétitive, un fatras confinant parfois au ridicule (les scènes "parisiennes" sont une honte pour toute personne qui a jamais eu un cours d'histoire).
Je ne jugerai ici que les 5 premières saisons, la 6ème (que je commence) semblant faire preuve d'un élan résolument nouveau, avec plus d'humour, ce qui n'est pas difficile, plus de finesse aussi.
La 1ère saison nous relate l'ascension de Ragnar Lothbrok à la tête de sa communauté et ses premiers voyages vers l'Ouest, en l'occurrence l'Angleterre.
Cette saison est lente, terne, mal interprétée (un comble pour le seul acteur reconnu : Gabriel Byrne) dans son ensemble (à l'exception des personnages de Ragnar, Lagertha, Floki, Athelstan et le jeune Björn).
La cruauté du jarl (mal interprété, donc, par Gabriel Byrne) est exagérément cynique et le combat qui met aux prises les deux protagonistes est invraisemblable.
La fin de la saison, comprend deux moments forts en lien avec le légendaire : la très longue scène du sacrifice à Uppsala (l'existence du temple païen est très controversée) et la rencontre avec Aslaug, fille de deux héros mythiques de la mythologie scandinave.
La 2nde saison voit l'opposition de trois "chefs" : Ragnar, Horik (qui finalement semble n'avoir aucun royaume) et Borg (sans sa raquette magique). Ragnar commence à gagner en consistance : héros légendaire mais torturé, qui porte le poids de son pouvoir sur ses épaules.
Je passe sur les trahisons diverses et assez agaçantes, faciles, et je retiens le lien qui unit le roi Ecbert (un vrai beau personnage, très bien interprété) et Athelstan à travers l'art et la mémoire. Une autre scène marquante concerne la mise à mort du Jarl Borg (mais pas à Roland-Garros).
Historiquement assez improbable (comme tout le reste de la série), cette saison permet néanmoins de mettre en avant un personnage phare de l'histoire anglo-saxonne : le Roi Ecbert de Wessex, grand-père du futur Alfred (un des héros de l'excellentissime Last Kingdom) ainsi que la rencontre entre deux langues à la fois proches et distantes, le vieux norrois et le vieil anglais, d'origine frisonne (proche du néerlandais).
La 3ème saison apporte une réelle intensité dramatique et serait excellente si les épisodes parisiens n'avaient pas été si honteusement ratés : non Charles le Chauve n'était pas empereur à cette époque, non l'aigle n'a jamais été un symbole français, non son trône n'était pas construit dans le plus pur style gothique flamboyant, non Paris n'était pas alors enceint d'une muraille imprenable, bien au contraire. Cette insulte à l'histoire, malgré les efforts de reconstitution de dialogues en ancien français (encore très balbutiant alors), plonge la saison dans le ridicule.
De la 4ème saison, je garde la quête initiatique, un rien trop courte, de Bjorn, l'errance esseulée de Ragnar, l'accomplissement d'Ecbert. Les trahisons en cascade rendent malheureusement l'ensemble indigeste.
La deuxième partie (après le retour de Ragnar) est plus intéressante.
Sa mise à mort est un vrai grand moment.
Hélas, les péripéties annexes sont faibles, convenues, banales, sans finesse.
La 5ème saison est à l'image de la série : quelques moments poignants, des scènes de batailles originales, de bonnes idées (la colonisation de l'Islande) mais noyés dans un océan de vide et d'historicité bafouée. C'est gros, c'est cliché, c'est sans intérêt à l'exception notable du dernier épisode. Paradoxalement, plus les saisons sont longues et moins elles valent la peine d'être résumées.
Au final (et avant la saison 6), on a une série qui aurait gagné à être réduite à 3 saisons de 10 épisodes au lieu de 69 épisodes dont les 3/4 sont bons pour la poubelle. Avec un thème comme celui-là, c'est un vrai gâchis.