Enfants, Jean-Pierre Dardenne et son frère cadet Luc habitent dans le village d'Engis, mais passent leurs journées à Seraing, banlieue industrielle de Liège, où, plus tard, ils tourneront la plupart de leurs films. Étudiant en art dramatique à l'Institut des arts de diffusion de Bruxelles, Jean-Pierre Dardenne y a pour professeur Armand Gatti. Le poète et metteur en scène propose au jeune comédien et à son frère, qui étudiait jusqu'alors la philosophie, de devenir ses assistants. Il leur permet également de faire leurs premières armes comme réalisateurs, en tournant des vidéos militantes dans différentes cités ouvrières de Wallonie.
A partir de 1978, ils réalisent une série de documentaires sur la résistance anti-nazie en Wallonie, les radios libres ou encore la mémoire ouvrière. Ils passent à la fiction en 1987 en adaptant une pièce de théâtre : portrait du dernier survivant d'une famille juive exterminée dans les camps, Falsch est coécrit par Jean Gruault, le scénariste de Truffaut. Ils tournent ensuite Je pense à vous avec Fabienne Babe, mais les cinéphiles ne les découvrent qu'avec leur troisième opus, La Promesse, qui fait sensation à la Quinzaine des Réalisateurs et décroche une pluie de récompenses internationales en 1996. Nourrie par leur expérience du documentaire, cette œuvre intense, articulant subtilement l'intime (un conflit père/fils) et le social (l'exploitation des immigrés clandestins) révèle Olivier Gourmet et le jeune Jérémie Renier.
La consécration arrive en 1999 avec Rosetta, un film sans concessions qui décrit le combat d'une jeune femme déterminée à trouver, et conserver, un emploi. La caméra (à l'épaule) des Dardenne ne lâche pas d'une semelle Emilie Dequenne et son regard buté. Président du jury à Cannes, David Cronenberg crée la surprise en décernant la Palme d'or à cette œuvre radicale et le Prix d'interprétation féminine à sa comédienne débutante. Fidèles à leur style dépouillé, les réalisateurs signent ensuite Le Fils, un film sur le pardon qui vaut à Olivier Gourmet, impressionnant de retenue, le Prix d'interprétation masculine à Cannes en 2002.
Également producteurs (Le Couperet de Costa-Gavras), ils décrochent une deuxième Palme d'Or en 2005 pour leur sixième long métrage L'Enfant, dans lequel Jérémie Renier incarne, dix ans après La Promesse, un petit voyou incapable d'assumer sa paternité. Les Dardenne confirment leur réputation de découvreurs de jeunes talents avec leur film suivant, Le Silence de Lorna (Prix du scénario à Cannes en 2008), nouvelle réflexion sur la culpabilité, à travers le parcours douloureux d'une immigrée albanaise à Liège, interprétée par une comédienne inconnue, Arta Dobroshi. En 2011, Le Gamin au vélo, Grand Prix au Festival de Cannes, réunit deux des meilleurs acteurs belges du moment : Cécile de France qui croise leur route pour la première fois, et Jérémie Renier, visage familier de leur univers.
Les deux frères produisent en 2011 L’Exercice de l’Etat de Pierre Schoeller, puis l'année suivante La Part des anges de Ken Loach et Au-delà des collines de Cristian Mungiu. En 2014 sort Deux jours, une nuit porté par Marion Cotillard et Fabrizio Rongione, un long métrage racontant l'histoire de Sandra qui, avec l'aide de son mari, va tenter, en un week-end, de convaincre ses collègues de renoncer à leur prime pour qu'elle puisse conserver son emploi. La performance de Cotillard lui vaut une nomination à l'Oscar de la meilleure actrice.
Figures désormais incontournables du Festival de Cannes, Luc et Jean-Pierre foulent une fois de plus le sol de la Croisette en 2016 avec La Fille inconnue, qui fait d'Adèle Haenel une héritière de Rosetta et Lorna en jeune médecin déterminée et poignante. Si ce drame reçoit un accueil mitigé de la presse, le suivant, Le jeune Ahmed, leur vaut le Prix de la mise en scène à Cannes trois ans plus tard. Ils y dirigent encore une fois un acteur débutant, Idir Ben Addi, qui se glisse dans la peau d'un adolescent en voie de radicalisation.
Fidèle à son style épuré, le duo belge s'intéresse ensuite à un autre sujet d'actualité brûlant : le sort des migrants mineurs. Dans Tori et Lokita, le spectateur suit les traces de deux adolescents africains exilés en Belgique pris au piège d’un engrenage fatal. Ce drame social implacable et puissant se voit récompenser du Prix du 75ème anniversaire au Festival de Cannes.