Originaire du Sud-Ouest, près de Bordeaux, Jean Eustache est passionné de cinéma dès ses plus jeunes années. Après une enfance passée à Narbonne, il monte sur Paris en 1957 et débute dans la vie active en tant qu'ouvrier à la SNCF, un diplôme d'électricien en poche. Jeune homme fragile et tourmenté, il fait une tentative de suicide pour éviter de partir couvrir l'Algérie, puis fait la connaissance de Jeanne Delos, qui devient sa compagne et le lance indirectement dans le monde du cinéma. Officiant comme secrétaire de la revue spécialisée Les Cahiers du Cinéma, elle lui permet en effet de rencontrer ses principaux artisans, dont un certain Jean-Luc Godard.
Nous sommes au début des années 60, et Jean Eustache a le privilège de côtoyer au plus près les réalisateurs de la Nouvelle Vague. Il écrit des critiques de cinéma puis est à la fois assistant réalisateur et acteur sur le court métrage Les Roses de la vie de son ami Paul Vecchiali, en 1962. C'est d'ailleurs ce même Vecchiali qui lui met le pied à l'étrier pour signer un an plus tard son premier court métrage, intitulé La Soirée. Réservé, Eustache tourne secrètement le moyen métrage Les Mauvaises Frequentations, qui pose les jalons d'un "cinéma direct", quasi-documentaire, et qu'il complète en 1966 avec Le Père Noël a les yeux bleus, fortement inspiré de son enfance à Narbonne.
Monteur pour Jacques Rivette durant trois ans, Jean Eustache continue ensuite de creuser dans le réel et l'étude sociologique en signant trois documentaires très personnels : La Rosiere de Pessac, qui filme l'élection d'une jeune femme dans la ville natale du cinéaste, Le Cochon, qui relate la journée de paysans tuant un cochon, et Numéro zéro, centré autour de la femme qui l'a élevé une grande partie de sa jeunesse, sa grand-mère. Mais c'est en 1973 qu'il se révèle véritablement avec La Maman et la Putain, considéré comme son chef d'oeuvre et lauréat du Grand Prix Spécial du Jury à Cannes. Le film, au sujet intimiste mais d'une durée fleuve de 3h40, suit le quotidien d'un jeune homme (Jean-Pierre Léaud), partagé entre sa femme et sa maîtresse.
Avec La Maman et la Putain, film majeur du "cinéma direct", alliant approche documentaire, fiction, étude sociologique et accents autobiographiques, Jean Eustache marque toute une génération et s'impose comme un cinéaste précieux et mélancolique. Cet écorché vif en marge de l'industrie, homme torturé et à fleur de peau, réalise ensuite Mes petites amoureuses, à nouveau quasi-autobiographie et centré sur les tourments adolescents. Après avoir tourné pour Wim Wenders dans L'Ami américain, puis avoir réalisé une nouvelle version de La Rosière de Pessac pour le petit écran, Jean Eustache, qui peine à trouver les financements de ses films, se fait plus discret.
Considéré comme une influence majeure du cinéma de la Nouvelle Vague, maître du "cinéma direct", capable de filmer avec simplicité les choses les plus simples du quotidien, il est un modèle pour de nombreux contemporains, parmi lesquels Jim Jarmusch ou Philippe Garrel. Artiste rare, souvent incompris et mal dans sa peau, Jean Eustache se donne la mort en 1981 d'une balle dans le coeur, âgé seulement de 42 ans.
Biographie rédigée par Clément Cuyer