Né Abel Eugène Alexandre Perthon à Paris en 1889 (enfant naturel d’un autre, il ne sera légitimé qu’à l’âge de trois ans par le mariage de sa mère et d’Adolphe Gance), Abel Gance est, au même titre que Louis Delluc ou Marcel L'Herbier, l’un des pionniers du cinéma français (et international), venant après la génération des Lumière et Méliès. Attiré par le théâtre et la littérature, il fait l’acteur dès 1908, incarnant le jeune Molière dans un film de Léonce Perret (1909), écrit tragédies, poésies et scénarios (notamment pour ce même Perret), avant qu’il ne lui soit finalement demandé de passer à la réalisation. En 1915, La Folie du docteur Tube, festival de trucages et d’audaces, marque le premier vrai coup d’éclat (et le premier échec, sans conséquence) de cet expérimentateur-né, qui n’aura de cesse de repousser les limites de la technique (il recevra en 1954 le Prix international de l'invention, après avoir développé divers procédés, dont la polyvision – pour son Napoléon – ou le pictographe).
Auteur de films de propagande pendant la guerre (dont La Zone de la mort), il enchaîne à partir de 1917 Mater Dolorosa, La Dixième symphonie, J'accuse et La Roue, qui vont le révéler. Surtout, en 1927, il réalise son grand-œuvre, Napoléon vu par Abel Gance, truffé d’innovations techniques et visuelles, au départ prévu pour faire partie d’un ensemble de six films consacrés à l’empereur. Il y incarne Saint-Just, Antonin Artaud héritant du rôle de Marat. Le film sera sonorisé en 1934 (Napoléon, vu et entendu par Abel Gance), et modifié en 1971 (version connue sous le titre Bonaparte et la révolution). Saluée comme une œuvre majeure de l’histoire du cinéma, cette réussite sera toutefois sans véritable lendemain, le lyrisme, l’ambition démesurée de Gance se heurtant par la suite autant aux contraintes économiques qu’à la critique.
En 1931, La Fin du monde, film-catastrophe dont il interprète le rôle principal, est un échec, et le cinéaste, aussi admiré pour son inventivité et son imagination que vilipendé pour sa grandiloquence, ne s’en remettra pas vraiment. Il ne pourra mener à terme certains de ses projets (Christophe Colomb, Ignace de Loyola, Scarron...), faute de moyens, et réalisera dès lors des films considérés comme moins personnels, adaptations littéraires (Le Capitaine Fracasse, 1942) ou films historiques (Lucrèce Borgia avec Edwige Feuillère, 1935 ; Jérôme Perreau héros des barricades, évocation de la Fronde, 1935), entre autres. Parmi ses films suivants, on peut encore citer Un Grand amour de Beethoven (1936), Paradis perdu (1940), La Tour de Nesle (1955), Austerlitz (1960) ou Cyrano et d'Artagnan (1964). Récompensé par le premier Grand Prix national de cinéma en 1974, Abel Gance reçoit en 1981 un César d’honneur, quelques mois avant sa mort, à l’âge de 92 ans.