Michael Curtiz naît Manó Kaminer Kertész à Budapest en 1888, dans une famille juive relativement aisée. Après des études théâtrales, il débute sur les planches comme comédien et metteur en scène, avant de devenir à partir de 1912 l’un des pionniers de l’industrie cinématographique hongroise – on lui attribue parfois jusqu'à une cinquantaine de films pour cette seule période hongroise, mais sa filmographie de l’époque reste mal connue, au point qu’il est le plus souvent difficile de déterminer, selon le film, s’il agissait en tant que réalisateur ou acteur. Après un passage par le Danemark et la Scandinavie au cours duquel il parachève sa formation aux côtés de Victor Sjöstrom, August Blom, et Mauritz Stiller, Mihály Kertész (il sera ainsi crédité durant sa carrière européenne) réalise Bánk bán (1914), l’un des premiers succès de la cinématographie nationale, avant de se consacrer à plusieurs adaptations, de Balzac (La Peau de chagrin), Ferenc Molnár (Liliom, inachevé) ou encore de l’opérette La Veuve joyeuse.
Durant la Première Guerre mondiale, le jeune cinéaste sert dans l’armée, et œuvre comme opérateur d’actualités. En 1919, les graves troubles traversés par une Hongrie devenue autonome – la "terreur blanche" succédant à la "terreur rouge" et à la nationalisation des studios – l’amènent à émigrer en Autriche. Installé à Vienne, il réalise des fresques historiques à grand spectacle (Le sixième commandement, 1922 ; Le jeune Médard, 1923). Le succès de L’Esclave reine (1924) lui ouvre les portes d’Hollywood, et la Warner lui offre de venir travailler outre-Atlantique, dans l’idée de le bombarder à la tête d’une autre production biblique, qui permettrait à la major de venir chatouiller Cecil B. DeMille et la Paramount. Kertész pose le pied sur le sol américain en 1926 et devient Curtiz.
En 1928, il réalise L'Arche de Noé, vaste superproduction (conduite par Darryl F. Zanuck) d’un studio pour lequel il travaillera de façon exclusive jusqu’en 1953, passant au parlant avec Mammy en 1930. Exécutant talentueux à défaut d’être un véritable auteur, figure de l’âge d’or des studios (et de la Warner), émigré européen inspiré par l'expressionnisme allemand, Curtiz réalise une centaine de films aux Etats-Unis, s’exerçant dans tous les genres : western (Les Conquérants, 1939 ; La Caravane héroïque, 1940, ce dernier réunissant Errol Flynn et Humphrey Bogart, des acteurs qu’il dirigera respectivement à 13 et 8 reprises, Claude Rains venant s’intercaler avec 10 longs métrages en commun, et même 11 en comptant Anthony Adverse, sur lequel Curtiz n’est pas crédité), drame (Le Roman de Mildred Pierce, 1945), film noir et veine sociale (Les Anges aux figures sales, 1938), film historique (La Vie Privée d'Elisabeth d'Angleterre, 1939), comédie musicale (La Glorieuse parade, 1942), film de gangsters/de prison (Vingt mille ans sous les verrous, 1932) ou encore film d’horreur (Docteur X, 1932 ; et surtout Masques de cire, 1933). C’est toutefois dans le film d’aventures qu’il impose avec la plus impressionnante régularité ses films comme des classiques, offrant à Errol Flynn des rôles qui forgeront sa légende : Captain Blood (1935), Les Aventures de Robin des Bois (1938), L'Aigle des mers (1940), La Charge de la Brigade Légère (1936) ou La Piste de Santa Fé (1940). Classique également, et même classique des classiques, Casablanca (1942) reste le sommet de la carrière de Curtiz, et lui vaudra son unique Oscar de meilleur réalisateur.
Réputé pour son autoritarisme et ses démêlés avec la langue anglaise (il demanda ainsi, par exemple, à un assistant de prévoir pour une scène de couvent « 20 monkeys [singes] », au lieu de « 20 monks [moines] »), le réalisateur chéri de la Warner voit son étoile pâlir à la fin des années 1940. Après l’épilogue de l’ère Warner, il tourne coup sur coup pour la Fox (le péplum L'Egyptien, 1954) et la Paramount (White Christmas, avec Bing Crosby), avant de diriger Elvis Presley dans King Creole (1958). Pour ce qui sera son dernier film, Les Comancheros (1961), il retrouve John Wayne, figurant dans L’Arche de Noé une trentaine d’années plus tôt, et qu’il avait dirigé dans Un Homme pas comme les autres (1953). Le réalisateur disparaît le 10 avril 1962, à l’âge de 75 ans, emporté par un cancer.