À 3 ans, Todd Haynes découvre avec ravissement le cinéma en regardant Mary Poppins. Passionné dès son plus jeune âge par les arts visuels, il s'adonne d'abord surtout à la peinture, mais ne tarde pas à tourner des films amateurs. Marqué par les classiques du cinéma expérimental que projette un professeur en classe, il réalise à 17 ans son premier court métrage, The Suicide.
Dans le cadre de ses études à la Brown University (dont il sortira diplômé en art et sémiotique), il signe en 1985 Assassins : a film concerning Rimbaud. Comme plusieurs de ses oeuvres à venir, il s'agit déjà d'un hommage à un artiste hors normes, à travers un récit qui défie les lois de la narration traditionnelle. En 1987, il réalise Superstar : the story of Karen Carpenter, dans lequel il retrace le tragique destin de la chanteuse en utilisant des poupées Barbie — mais le film est vite censuré par le frère de la défunte. Avec son premier long métrage, Poison, assemblage de trois histoires sur la déviance, inspiré par Jean Genet, il décroche le Grand Prix du jury à Sundance en 1991.
S'imposant comme l'un des cinéastes indépendants les plus prometteurs, Todd Haynes dirige en 1995 Julianne Moore — qui deviendra son actrice-fétiche — dans Safe, film sur la peur de la contamination qui peut être lu comme une allégorie du sida. Considérant le cinéma comme un art de l'artifice, il revient sur la fascination exercée par le mouvement glam rock des années 70 dans le flamboyant Velvet Goldmine, son troisième opus, salué par un prix de la Meilleure contribution artistique à Cannes en 1998.
Quatre ans plus tard, il revisite avec éclat le mélodrame façon Douglas Sirk avec Loin du paradis (2002), un film couvert d'éloges, qui obtient 4 nominations aux Oscars, dont une pour la vibrante composition de Julianne Moore. Il se lance ensuite un pari ambitieux, l'anti-biopic I'm Not There (2007), dans lequel Bob Dylan, chanteur-caméléon, est incarné par six comédiens. Prix spécial du jury à Venise, le film est l'occasion pour Haynes de poursuivre la réflexion sur l'identité qui traverse toute son oeuvre.
Après avoir réalisé pour le petit écran (il dirige Kate Winslet dans la mini-série Mildred Pierce, et Laura Dern le temps d'un épisode d'Enlightened), Todd Haynes fait son retour au cinéma avec Carol présenté en Sélection Officielle au Festival de Cannes 2015 (et lauréat de la Queer Palm). Cette adaptation du roman de Patricia Highsmith publié en 1952 se centre sur une romance interdite, au sein d'une société conformiste et conservatrice, entre deux femmes que tout oppose, campées par Cate Blanchett et Rooney Mara.
Il s'adresse ensuite à un public plus jeune avec Le Musée des merveilles (2017), adapté du roman illustré pour enfants Wonderstruck de Brian Selznick, et s'intéresse au Velvet Underground dans un documentaire (2021) consacré au groupe mythique. Le cinéaste continue de puiser dans le réel avec ses deux longs-métrages suivants. Dans Dark Waters (2019), il dirige Mark Ruffalo en avocat spécialisé dans la défense des industries chimiques qui lève le voile malgré lui sur un scandale écologique majeur. Quant à May December (2023), il s'inspire de l'affaire Mary Kay Letourneau, une professeure américaine d'une trentaine d'années qui est tombée enceinte d'un de ses élèves de douze ans dans les années 1990. Mais au-delà du fait divers sordide, Todd Haynes s'intéresse surtout à un jeu de miroirs pervers entre une actrice (Natalie Portman) et son modèle (Julianne Moore).