Danseuse de formation, Deborah Kerr se tourne très jeune vers la comédie. Elle débute sur les planches de son Ecosse natale avant de gagner Londres à la fin des années 30. Le cinéma anglais repère bientôt cette débutante à la chevelure flamboyante et à l'allure gracile. Après quelques rôles secondaires, elle se voit confier, en 1943, un triple rôle dans Colonel Blimp, le film picaresque du tandem Powell-Pressburger. La comédienne, alors âgée de 22 ans, illumine l'écran par sa fantaisie. L'année suivante, dans Perfect Strangers, elle donne la réplique à Robert Donat, la star masculine du cinéma britannique des années 40. Le film, réalisé par Alexander Korda, est produit par MGM. La firme américaine, qui tient sous contrat la jeune actrice, ne lui laisse que peu de l'attitude dans le choix de ses rôles. Ainsi Kerr est-elle précipitée dans une série de superproductions américaines aux personnages féminins stéréotypés (Les Mines du roi Salomon, Quo Vadis, Le Prisonnier de Zenda) où elle ne peut exprimer la pleine mesure d'un talent que Michael Powell juge exceptionnel. Au coeur de cette période jalonnée de succès mais ô combien frustrante, un film du même Powell apparaît comme une délicieuse parenthèse, Le Narcisse noir. Dans cette oeuvre à la beauté sidérante (le directeur de la photographie est un certain Jack Cardiff) l'actrice, en nonne que le désir tenaille, est tout bonnement stupéfiante.
En 1953, Deborah Kerr, délivrée du contrat qui la lie à MGM mais définitivement installée aux Etats-Unis, prend en main sa carrière. Elle tourne le dos aux personnages de femmes effacées qu'elle avait campés jusque-là pour composer des héroïnes au caractère et à la sensualité affirmés, sans pour autant se départir de son élégance naturelle. En interprétant la femme adultère de Tant qu'il y aura des hommes, elle impose une nouvelle image d'elle-même, une image qui devait d'ailleurs entrer dans l'histoire du cinéma : Deborah Kerr et Burt Lancaster enlacés sur une plage de Pearl Harbor avec l'écume (et des millions de spectateurs) pour témoins. Adultère, l'actrice l'est une nouvelle fois deux ans plus tard, dans Vivre un grand amour. Le mari cocufié est cette fois-ci incarné par Peter Cushing, l'amant a les traits de Van Johnson.
En 1956, Deborah Kerr, qui hésite maintenant entre le théâtre et le cinéma, connaît un nouveau triomphe avec le dansant Le Roi et moi, dont elle partage la vedette avec Yul Brynner. Reconnue par ses pairs - son rôle de gouvernante à la cour du roi de Siam lui vaut la 3ème de ses 6 nominations à l'Oscar -, l'actrice enchaîne alors les productions de haute tenue, qu'elle traverse avec classe et distinction. Elle est tour à tour à l'affiche de Thé et sympathie (d'après une pièce qu'elle avait joué sur scène), Tables séparées (où elle retrouve Burt Lancaster), Dieu seul le sait (avec Robert Mitchum, qui la tenait pour une actrice de génie et une partenaire de choix), Un Matin comme les autres (sur le couple Fitzgerald-Sheilah Graham) et surtout Elle et lui, une comédie romantique avec Cary Grant appelée à devenir le maître étalon du genre.
Au début des années 60, la comédienne ralentit son activité au cinéma. Elle se produit tout de même dans La Lame nue, l'ultime film de Gary Cooper, et Les Innocents, adaptation convaincante du Tour d'écrou d'Henry James. Se consacrant au théâtre, Kerr revient sporadiquement au cinéma au cours de la décennie. Elle apparaît ainsi au générique de La Nuit de l'iguane, Les Parachutistes arrivent et L'Arrangement, un film d'Elia Kazan où elle campe une épouse trompée par son publicitaire dépressif (Kirk Douglas) de mari. Ce rôle déchirant reste sa dernière prestation notable au cinéma. En 1994, l'Académie des Oscars lui décerne un Oscar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière.