Né en région parisienne, Claude Lanzmann entre en résistance dans son lycée à Clermont-Ferrand durant la Seconde Guerre Mondiale. Après la Libération, il monte sur Paris afin de suivre une formation de philosophie à la Sorbonne. C'est en 1952 qu'il rencontre Jean-Paul Sartre et son épouse Simone de Beauvoir et intègre le comité rédactionnel de la revue philosophique Les Temps Modernes. Il débute également une carrière de journaliste, faisant quelques piges pour Elle, France-Soir ou encore Le Monde. En 1967, la rédaction des Temps Modernes publie un numéro spécial sur la guerre israélo-palestienne. Lanzmann en est la cheville ouvrière. Ce hors-série est le fruit d’un travail de recherches et d’investigation qu’il a mené pendant plus de deux ans.
Ce n’est qu’à partir des années 1970 que Claude Lanzmann commence à se tourner vers la réalisation cinématographique. Il tourne un premier documentaire intitulé Pourquoi Israël en 1972, sous forme d’enquête sur l'État d'Israël et sur ses rapports avec les Juifs du monde entier, et construit son film à partir d’interviews des différentes collectivités formant cet État. Par la suite, il se lance dans un projet d’une très vaste ampleur autour de la mémoire du processus d’anéantissement des Juifs par le régime nazi. Shoah naît de ce désir d’interroger cette gigantesque et terrible entreprise de destruction raciale en Europe. Il faudra plus de douze ans à Lanzmann pour mener à bien ce documentaire qui le fait voyager entre la Pologne et Israël. Le réalisateur fait témoigner des juifs qui ont vu l’intérieur des chambres à gaz, des officiers SS chargés de l’extermination des déportés, des paysans polonais riverains de Treblinka ainsi que des historiens. Shoah, achevé en 1985, est un documentaire entièrement novateur pour l’époque dans le sens où aucune image d’archives n’est utilisée et où seule la parole du témoin permet de prendre la mesure des événements. Il sera diffusé et vu dans le monde entier.
En 1986, suite au décès de Simone de Beauvoir, Claude Lanzmann devient directeur de rédaction de la revue Les Temps Modernes. En 1994, il tourne Tsahal, un documentaire basé sur une série d’entretiens réalisés avec des militaires israéliens, et qui "problématise" la nature et les valeurs que défend l’armée israélienne. Le cinéaste réutilise ensuite deux entretiens qu’il a effectués durant le tournage de Shoah mais qu’il n’a pu inclure dans le montage définitif. Le premier fait témoigner un délégué de la Croix Rouge, qui a visité le camp d’Auschwitz en 1943 et le camp "modèle" de Theresienstadt en juin 1944, dans le cadre des inspections internationales. Ce seul témoignage donnera naissance au film Un Vivant qui passe, que Lanzmann monte en 1997. Le second entretien concernant Yehuda Lerner, survivant du camp de concentration de Sobibor, débouchera sur Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures, documentaire fondé au même titre que Shoah, sur la mise en avant du témoin et l'absence de tout artifice visant au sensationnel ou au spectaculaire.
En 2006, Claude Lanzmann se voit gratifié de la Légion d’honneur pour l’ensemble de son œuvre cinématographique et pour son travail autour du souvenir des camps d’extermination. Il publie ses mémoires en 2009 sous le titre Le Lièvre de Patagonie. L'année suivante, il exhume un autre témoignage réalisé en 1978, durant le tournage de Shoah. Il s’agit cette fois de celui d’un résistant polonais ayant tenté d’alerter les forces alliées sur la réalité du génocide juif durant la Seconde Guerre Mondiale. Après Un Vivant qui passe et Sobibor, 14 octobre 1943, 16 heures, le réalisateur monte ainsi un nouveau documentaire dans le prolongement de Shoah, intitulé Le Rapport Karski, et diffusé par la chaîne Arte.
En 2013, il reçoit lors de la Berlinale un Ours d'or d'honneur pour l'ensemble de son œuvre et livre Le Dernier des injustes dans lequel il revient à Theresienstadt, dont le ghetto utilisé comme un instrument de propagande était déjà l'objet d'Un vivant qui passe en 1997. Cette fois, il y retourne en compagnie de Benjamin Murmelstein, le dernier Président du Conseil Juif du ghetto de Theresienstadt, seul "doyen des Juifs" (selon la terminologie nazie) à n’avoir pas été tué durant la guerre. Ce dernier parvint à l'époque à faire émigrer 121 000 juifs et à éviter la liquidation du ghetto.
A l'âge de 91 ans, Claude Lanzmann continue de balader sa caméra pour aborder un sujet inédit dans sa carrière avec Napalm. Il y revient sur les trois incursions qu'il a faites en Corée du Nord en 1958, 2004 et 2015 et plus particulièrement sur sa brève histoire d'amour avec une infirmière de l’hôpital de la Croix Rouge coréenne. Ne parlant pas la même langue, le duo ne réussit à communiquer qu'avec un seul mot, Napalm, qui donne son titre au film et sort sur les écrans en 2017 après avoir été présenté en séance spéciale au 70e Festival de Cannes. Un festival où il présente l'année suivante ce qui restera son dernier film, Les Quatre Sœurs, sorti sur les écrans en deux parties le 4 juillet, veille de sa disparition.
Auteur: Louis Daubresse