Jules Langonnet
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4,0
Publiée le 6 février 2024
Ce n’est certainement pas le premier slasher de l’histoire, mais il mérite d’en être un. L’atmosphère établie est digne de celle d’un bon film d’horreur, avec des plans mobiles et des screamers. Sorti en 1978, je peux même annoncer qu’il s’inscrit en tant que pionnier dans les codes de l’épouvante, notamment avec ses scènes de violence hors champ, ses longs suspenses et son héroïne qui ne reste pas pétrifiée. Jamie Lee Curtis incarne parfaitement le rôle, et devient (enfin) actrice, ce qui n’est pas courant dans les films de ce genre où les personnages sont plutôt passifs. Elle se défend ! Bon, il faut tout de même attendre 1h15 pour avoir la consécration du film et un peu d’action, car je ne le cache pas il est un peu long. Certes, Carpenter pause le cadre angoissant du tueur fou, qui soit dit en passant n’est plus considéré comme humain, ce qui mérite un peu de temps, mais l’inaction peut perdre quelques spectateurs. D’autres bons films ont suffisamment tenu le spectateur en haleine pour se permettre de lancer des fausses alertes, comme quand le tueur est sur le point de commettre un crime mais se réserve à cause d’un phare de voiture. D’après-moi celui-ci attend trop avant d’attaquer le vif du sujet, ce qui peut mener à l’ennui.

Outre le temps, le réalisateur nous donne le droit de connaître les origines de son meurtrier, ce qui est novateur pour l’époque. D’habitude, aucune explication n’est donnée au spectateur sur les motifs du tueur, et Carpenter nous offre quelques détails à se mettre sous la dent. Le scénario en découle de manière fluide jusqu’à sa première apparition vue par Laurie, jouée par Jamie Lee. Ici, le film prend une autre tournure, le spectateur attend qu’il se passe quelque chose. Et il tombe dans le cliché où l’héroïne est prise pour folle, seule sans défense, qui attend la mort. Puis miracle, le réalisateur sauve la mise en montrant un personnage qui se bat pour sa vie, différemment de Judith O’Dea dans La Nuit des Morts-vivants. En parallèle, il nous dresse le portrait de ce qui deviendra la représentation du mal, Michael Myers, avec son look reconnaissable constitué d’une combinaison de travail bleue, d’un masque en latex blanc avec une perruque et un long couteau de cuisine. Il ne faut rien de plus pour esquisser sa silhouette derrière une barrière. Entre l’originalité de l’antagoniste et l’angoisse que procure la musique, elle aussi réalisée par Carpenter, le spectateur entre dans l’ambiance sans problème.

Parlons un peu des plans qui sont majoritairement tournés avec une caméra embarquée dans une perspective éclairée. En effet, peu de plans fixes nous sont donnés, et même si je les préfère, ils ne manquent pas ici. La lumière non plus ne fait pas défaut contrairement aux films d’horreur où tout est sombre ; certains réalisateurs pensent que les spectateurs ont davantage peur s’ils ne voient pas tout, et ne misent que là-dessus. Ici, le spectateur voit tout à la bonne luminosité, hormis les meurtres qui sont hors champ certainement pour ne pas choquer à l’époque ou par choix du réalisateur de ne pas se tourner vers le gore.

Mais ce qui me plaît par-dessus tout, c’est la fin très osée, encore une fois, pour l’époque ! Attention spoiler : en général, le film d’horreur finit par la mort supposée du tueur avec une victoire des survivants. Je le note dans Scream (1996), Jeu d’enfant (1988) ou encore Shining (1980). Mais ici, il en est tout autre, car Myers parvient à se relever et à fuir avant que Loomis le retrouve, même s’il s’est pris cinq balles. Ce procédé inquiète encore plus le spectateur qui imagine le tueur toujours en vie, capable de venir lui rendre visite… Je note ces fins similaires dans Vendredi 13 (1980), Annabelle (2013) ou dans Les griffes de la nuit (1984). Dommage par contre que le film ne montre pas comment Laurie se remet de cet épisode, ni elle ni les enfants, et qu’il s’arrête si brutalement, car j’aime bien les fins posées.

En conclusion, ce film est une réussite cinématographique de l’horreur, avec quand même quelques détails qui me chagrinent et qui bouleversent la crédibilité de l’histoire. Par exemple, le docteur perd son patient capable d’une tuerie, qui devrait être en hôpital psychiatrique et non en prison d’ailleurs, et personne ne s’alarme plus que ça. Seul le shérif de la ville patrouille, au cas où, le soir d’halloween, un tueur en série en cavale voudrait continuer sa série de meurtres après sa mère. Je passe les incohérences, il est tout de même facile de se mettre dans l’ambiance et de profiter d’un bon moment devenu culte.