Paul Roux
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4,5
Publiée le 4 mai 2024
Certains voient The Old Oak comme le film d’un cinéaste de 87 ans dont le meilleur est derrière lui. Ce n’est pas mon cas. Je considère au contraire cet opus, le dernier peut-être d’une œuvre immense, comme un grand film.

Il faut du génie pour parvenir à recréer dans un village du nord-est de l’Angleterre un film si révélateur de notre monde tourmenté. C’est ce qu’ont réussi le réalisateur Ken Loach et son scénariste Paul Laverty. D’un côté, des habitants d’un village jadis prospère, aujourd’hui dévasté par le capitalisme sauvage de Margaret Thatcher et la mondialisation néo-libérale. De l’autre, des familles syriennes chassées de leur pays par la guerre impitoyable de Bachar el-Assad pour se maintenir au pouvoir.

Les deux misères s’arriment mal. C’est d’ailleurs sur de telles frictions, là comme ailleurs, que se développe l’extrême droite. « Il y avait deux communautés vivant l’une à côté de l’autre et souffrant de graves problèmes, a confié Loach. Mais l’une avait subi un traumatisme, pleurait ses morts et s’inquiétait pour ceux restés sur place. Ils étaient étrangers dans un pays qu’ils ne connaissaient pas. »

Est-ce que ces deux communautés de laissés-pour-compte peuvent cohabiter ? s’est demandé le cinéaste. Au début, c’est loin d’être évident. Pendant un bon moment, j’ai trouvé ce film très dur. Le racisme décomplexé avec lequel est accueillie cette poignée de familles syriennes déracinées m’était insupportable.

Mais chez Loach, il y a toujours de l’espoir. Le cinéaste et son scénariste ont imaginé deux personnages : TJ Ballantyne, le vieux propriétaire du Old Oak, et Yara, une jeune syrienne, qui vont transformer une partie du pub en cantine solidaire réunissant réfugiés et villageois.

Y a-t-il là trop de bons sentiments ? Par le passé, j’aurais dit oui. Mais je crois maintenant qu’il n’y a jamais trop de bienveillance et d’empathie. Du reste, comme on le verra, le passage de la xénophobie à une nécessaire solidarité ne se fera pas sans heurts.

La réussite du film tient beaucoup à la justesse du jeu. L’expression est d’ailleurs mal choisie, car on a l’impression, justement, que les acteurs ne jouent pas. Selon Allociné, tous les interprètes du film, en dehors des Syriens, sont issus des villages du nord-est de l'Angleterre. « Il fallait qu’ils puissent pousser la porte d’un pub et qu’on les prenne pour des gens du coin », dit le vieux cinéaste. Mission accomplie : en entrant dans le Old Oak en leur compagnie, c’est l’impression que l’on a.