Ça déborde d'une cruauté qui côtoie le sadisme. Ça brasse au shaker une variété d'ingrédients - ouvrier sourd muet prêt à se faire enlever un rein au noir pour sauver sa soeur mourante ; famille de trafiquants d'organes à la mère héroïnomane et aux fils nécrophiles ; ancien électricien devenu millionnaire qui bascule en tortionnaire à 10 000 volts par vengeance... que sur le papier on aurait peur de conjuguer au singulier. Et pourtant ça vous secoue le coeur et crâne comme pas deux. Parce que ça vous embarque dans un tourbillon de registres - de la farce à l'horreur au drame pur - qui donnerait le tournis aux Coen... pour tisser un récit dont il est impossible de prédire quel sera le prochain arrêt. Parce que toute sa grammaire - faite d'ellipses radicales, d'hors champ bouleversants, de valeurs de plan trompeuses... se met au service d'une constante bascule de points de vue avec une virtuosité enivrante. Malmenant votre boussole morale en mode grave. Élevant la tragédie vers des cimes vertigineuses. Où il est impossible de déterminer les torts et les raisons - partagées par tous. Où la vengeance est poussée à son point de nihilisme. Là où le talion à tout prix permet de ne pas interroger sa propre responsabilité... Une oeuvre malaimable qu'il est difficile de ne pas adorer.