Alsace, 1900. Quelques brumes matinales bercent encore les toits fatigués du village. Dès les premiers rayons de soleil sur la plaine, il faut se hâter. Enfoncer son chapeau, ajuster son gilet, épousseter son fusil. Bourrer sa pipe pour une longue marche à travers les tourbières.
Car ce maudit courlis n'attend pas : très farouche, il tournoie dans le ciel à maintes reprises, guettant le danger, rasant la terre, disparaissant pour mieux revenir. Et, d'un bruissement d'ailes, il s'abat enfin sur la prairie. C'est alors que, bien caché derrière un rideau de roseaux, il est temps d'ajuster son tir. Lentement, sans trembler...
Peine perdue ! Un craquement de brindille et le voilà de nouveau loin, à l'abri derrière les saules, poussant ce petit cri aigu si singulier... Ce cri, cette obsession qui hante les nuits de tout chasseur ambitieux et qu'aucune épouse ne peut comprendre... Toutes ces nuits passées à se retourner dans le lit, pendant que madame dort d'un profond sommeil, rêvant probablement à des desseins plus communs, comme le savonnage du linge ou la soupe du soir...