Le film est adapté de la pièce de théâtre éponyme écrite en 1988 par l’Américain David Henry HWANG à 31 ans et qui s’inspire de l’histoire du Français Bernard Boursicot, en poste à l’ambassade de France à Pékin en 1964. Comme Hwang, le réalisateur déconstruit l’opéra « Madame Butterfly » (1904) de Giacomo Puccini (1858-1924) où un officier américain, Benjamin Pinkerton, en escale à Nagasaki, épouse une geisha (dont le nom japonais signifie Madame Papillon) avant de retourner aux Etats-Unis, sans savoir qu’elle est enceinte. L’histoire débute à l’ambassade de France à Pékin, en 1964, où René Gallimard (Jeremy IRONS, prodigieux), comptable tatillon qui épluche les notes de frais, marié, tombe éperdument amoureux d’une chanteuse de l’opéra de Pékin, Song, découverte dans le rôle de Mme Butterfly. Le film est constamment sur le fil du rasoir, lui évitant de tomber dans le grotesque, grâce à une envoutante mise en scène qui inclue une superbe photographie, notamment des intérieurs, de l’Anglais Peter SUSCHITZKY (dont c’est la 3e collaboration sur 10 avec le réalisateur), évoquant « L’impératrice Yang Kwei-fei » (1955) de Kenji Mizoguchi (1898-1956) pour la gamme chromatique, et la musique du fidèle (5e collaboration sur 9) d’Howard SHORE. C’est, à travers la déconstruction de l’opéra italien, un film sur le déni, sur un amour idéalisé, sans oublier le regard politique sur la Chine de Mao Zedong (1893-1976), président de la République Populaire de Chine depuis 1954, avec ses gardes rouges, ses espions et ses camps de rééducation par le travail pour artistes et intellectuels mais aussi sur la France, pendant les événements de mai 1968 (défilés d’étudiants maoïstes). Le film se termine en apothéose par 2 scènes,
l’une où Jeremy Irons et John Lone [connu pour son rôle de Puyi dans « Le dernier empereur » (1987) de Bernardo Bertolucci] se retrouvent dans un « panier à salade » à Paris et l’autre, où Jeremy Irons joue sa propre vie devant des détenus.