L'histoire d'une folle hystérique au sourire scotché à la cyanolite qui va apprendre que le monde a aussi le droit au respect de la tristesse.
Pour commencer, il faut dénoncer un réel malentendu sur ce film. Ce n'est pas du tout une comédie. C'est indéniablement drôle grâce aux situations, aux contrastes et aux acteurs, mais ce n'est pas une comédie. Je soupçonne Mike Leigh qui n'est pas le dernier des imbéciles d'avoir fait le forcing auprès des journalistes pour entretenir le doute, afin d'offrir à ce « long » métrage toute l'audience qu'il mérite, mais c'est un peu limite au niveau déontologie.
Tout le monde a connu ce type de vieille fille névrosée qui explose de joie et souri pour tout et n'importe quoi du moment qu'elle ne regarde pas en face ses frustrations et ses échecs. Plus elles en font, plus elles sont sûres de faire fuir n'importe qui, même les clochards, même si le monde professionnel est le seul qu'elles ne négligent jamais. Cependant, dans ce film, le réalisateur a le mérite de démontrer (ce que la jalousie crasse des bonnes femmes a tendance à oublier un peu vite) que les hommes dérouillent aussi, et qu'ils essayent aussi de se rattraper aux branches du « professionnalisme », seule carotte sociale qui reste accessible aux cœurs solitaires du monde entier. Peu importe leur niveau psychotique.
Si les situations sont drôles, bien vues et distillée dans un rythme lent et original, on n'est pas dans une histoire hollywoodienne avec un début, une démonstration et une fin téléphonée, mais bien plutôt dans un quotidien qui se gère à la petite semaine, avec son lot de rencontres plus ou moins surprenantes. On découvre les cachettes de la foldingue hystérique au fur et à mesure des saynettes, jusqu'à la nausée de l'exagération, et surtout de cette puérilité fatiguante à force de non remise en question. Les critiques ont souvent écrit qu'elle faisait merveille dans son boulot, mais comment pourrait il en être autrement, elle a le niveau mental requis pour travailler avec des chiards, vu qu'elle a refusé de grandir pour ne pas souffrir à chaque râteau sentimental qu'elle se prend. C'est aussi le seul moment qui permette le contact avec autrui, puisque pour une fois, elle reste « calme » par pur professionnalisme évidemment, mais heureusement pour elle. Contrairement au titre anglais, c'est le seul moment où elle fait attention à la douleur d'autrui qu'elle redevient humaine et abordable, bref, qu'elle n'est pas « obligée » d'être « Happy » qu'elle devient « Lucky ». J'imagine que Leigh veut démontrer que les attitudes choisies pour ne pas souffrir font partie d'un système qui empêche de profiter de la vie et de ses surprises. Pas du tout que l'hystérie sourieuse constante de l'institutrice soit une force, juste une idéologie, et le titre en est le résumé, pas l'incantation.
Les autres protagonistes sont aussi vernis, surtout la prof de flamenco, toutes les vies de ces filles qui ne savent pas ou ne veulent pas garder un homme sont pathétiques, et seul l'angle choisi de la comédie permet de sourire, comme dans un Woody Allen (de la période New Yorkaise bien sûr).
Pour ceux qui voudraient éprouver de la sympathie pour cette névrosée, je rappelle que le pantalon en jean de la scène finale devant la voiture de l'auto école n'est pas innocent et certainement pas un oubli de Mike Leigh. C'est bien cet harcèlement constant qui est la cause des malheurs de tous les protagonistes qui se frottent à cette folle du bonheur à la « Amélie Poulain ». Bizarrement, dès qu'elle revient dans la normalité qu'elle désire depuis toujours, elle arrête ce personnage fatiguant et dangereux et la mini jupe qui en est le symbole.
Car le moniteur psycho rigide montre l'exact inverse de la solitude, le repli sur les règles pour au moins avoir l'honneur de l'honnêteté, sur l'horreur du monde environnant pour mieux supporter son exclusion, il n'est pas étonnant que Leigh lui donne cette importance, Poppy n'a pas le monopole de la souffrance, juste celui de l'exhibitionnisme. D'autres souffrent en silence, n'emmerdent personne et ne font pas de dégats collatéraux !
Bref, un très bon film puisque suivant son point de vue personnel, et le décryptage raisonné, on peut voir deux films différents. Dans l'ensemble, on dirait bien que Leigh à force de réalisme et de recherche poussée sur la psychologie des personnages, a simplement réussi à montrer la vie des célibataires anglais avec une vérité au scalpel. Après on peut adhérer ou non à son discours bon enfant pour les journalistes, il semble que ce film soit bien plus compliqué que la comédie qu'il veut vendre au grand public.