Quel bonheur que de redécouvrir ce film trois ans après sa sortie !
Be Happy – ou plutôt devrais-je dire Happy Go Lucky étant donnée cette fâcheuse lubie qui est de rebaptiser un titre de film anglophone par un autre titre… en anglais o_O – ou comment un film nous donne envie « to go on living »… et ce avec la patate si possible !
Je suis sûre qu’un jour ou un autre, nous avons tous croisé Poppy quelque part! Ce personnage haut en couleur qui en agace plus d’un par son côté fantasque, foufou et déjanté, par sa façon un peu « rentre-dedans », qui cherche souvent à bousculer, à titiller le plus renfrogné d’entre nous , même si celui-ci n’a rien demandé … Mais mon Dieu, comme cela fait du bien ! Son côté parfois « too much » ne la rend que plus réelle, il n’y a aucun doute là-dessus ! La force de ce film est d’avoir mis en lumière, d’avoir « mis au monde » un personnage plus que vivant (dans tous les sens du terme). Il faut dire que Sally Hawkins y est pour beaucoup : quelle merveilleuse actrice avons-nous là !
En ce qui concerne le leitmotiv, le crédo du film qui est lui-même compris dans son titre, soit « be happy », soit chercher à être heureux vaille que vaille, quelles que soient les épreuves, de ce leitmotiv-là, il faut savoir s’en détacher un peu et ne pas le prendre au pied de la lettre. En effet, je ne pense pas que Mike Leigh ait cherché à faire un film manichéen, univoque, ou même moralisateur. Il n’y a pas d’un côté les « gens heureux » et de l’autre les « gens malheureux », le camp des « gentils » faisant face à celui des « méchants » ; non, je pense qu’au contraire le film tend à montrer qu’il faut savoir regarder au-delà des apparences. Chacun vit, a quelque part en soi cette idée, cette sensation de manque que l'on ne peut vraiment définir et chacun, de par sa nature, de par son caractère, de par son parcours, aura une manière différente de le combler et d’aborder la vie et les gens qui la composent. Alors certes, Poppy a sûrement tout ce qu’il faut pour être heureuse – si ce n’est peut-être l’amour ;) – et le personnage qu’est le moniteur d’auto-école est et restera antipathique du début à la fin, mais que savons-nous vraiment de leur vie ? Si on réfléchit bien, pas grand chose… Tout ce que l’on puisse faire, c’est déceler les fissures - plus ou moins grandes - présentes chez chacun d’eux et émettre des suppositions quant à leur vie passée : Poppy aurait-elle souffert plus jeune d’une éducation trop normée, à l’image de sa sœur Helen ? La véhémence et la bigoterie exacerbée de Scott est-elle le résultat d’un sentiment d’abandon ? A tout cela, on ne peut vraiment répondre et je pense que c’est bien heureux, car il faut savoir aller à la rencontre des personnages à un instant T de leur vie sans forcément connaître leur passé et leur passif.
Même si le film n’a pas la même intensité que Secrets & Mensonges (si ce n’est que pour ne citer que lui dans la filmographie de Mr Leigh), même s’il n’est pas aussi viscéral et à fleur de peau que ce dernier, on retrouve néanmoins dans Be Happy cette même authenticité, que ce soit dans l’essence même des personnages ou dans le regard bienveillant que le réalisateur porte sur eux, ce qui ne fait donc pas de ce film du « sous-Mike Leigh » malgré son côté badin pleinement assumé.
Il me tarde désormais de découvrir Another Year, le dernier film du réalisateur sorti fin 2010…