Le générique défile sur un écran où apparaît une Poppy bariolée qui circule à vélo dans Londres, déjà avec un sourire extatique, faisant bonjour de la main deci delà. Elle rentre dans une librairie, tenue par un type taciturne, qu'elle commence à saouler de remarques et de questions. Quand elle ressort de la boutique, son vélo a disparu, ce qui ne lui fait pas perdre son sourire, et lui arrache simplement cette remarque "Je n'ai même pas pu te dire au revoir !". Petite cause, grands effets : puisqu'elle ne veut pas remplacer sa bicyclette chérie, elle va prendre des leçons de conduite.
Car Poppy est comme ça, incurablement positive, heureuse d'être contente, comme le suggère le titre anglais "Happy-go-lucky", stupidement "traduit" par "Be Happy" : il lui suffit d'être joyeuse, elle ne se prend pas non plus pour une missionnaire de de la bonne humeur, elle attend tout au plus un effet de contagion qu'elle observe auprès de ses copines, de ses collègues, de ses élèves et de sa coloc et meilleure amie. Malgré cette bonhommie, elle est toujours célibataire à 30 ans, et même si le modèle de sa petite soeur mariée, enceinte et déjà préoccupée de son plan de retraite ne peut que la décomplexer, on sent bien qu'il y a comme un manque que masque son éternel sourire.
Tant de jovialité finit cependant par devenir crispant, et le jeu tout en mimiques de Sally Hawkins couronnée au Festival de Berlin amène le spectateur à se demander combien de temps il tiendrait avant de craquer devant cette débauche de positivité stressante et d'ironie ravageuse, et même son amie de dix ans la supplie d'arrêter d'être si gentille.
Comme pas mal d'enseignants, Poppy est une déplorable apprenante. En flamenco tout d'abord, où elle se lance en sus de ses séances de trampoline à la suite d'une copine, malgré le talent pédagogique de la prof ibérique qui vit si intensément la passion anadalouse qu'elle part en pleurs de sa salle de danse. En tant qu'apprentie-conductrice ensuite ; faut dire qu'elle est tombée sur son exacte antithèse en la personne de Scott : grognon, bourré de complexes et de préjugés, et ayant recours à une pédagogie musclée. Quand il craque à la fin, il lui reproche de l'avoir vampirisé et de lui avoir ôté sa joie de vivre, et Poppy découvre enfin qu'à vouloir un monde à son image, elle peut elle aussi faire du mal.
Je reste dubitatif devant le propos de Mike Leigh. On ne retrouve pas ici la fluidité narrative et la justesse des personnages de "Vérités et Mensonges" et de "Vera Drake", la faute sans doute à cette héroïne hypervoltée, et certains passages tournent carrément au ridicule, comme la rencontre qui se veut onirique avec un S.D.F. ; les ruptures de rythme, si elles reposent un peu le spectateur, ne gagnent pas en véracité, à l'instar de l'épisode de Nick, digne de "L'Instit" ou de "Fabien Cosma". Restent quelques scènes qui fonctionnent grâce à leur énergie, comme le cours de flamenco ou certaines escarmouches entre Scott et Poppy ; c'est insuffisant pour en faire une comédie vraiment réussie, et on n'a pas non plus d'un autre côté une comédie dramatique cohérente.
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