C'est à Kyoto que Manbei, un vieux marchand de saké, vit avec ses trois filles et pense surtout, via elles, à l'avenir de son entreprise et de sa famille. Dans le même temps, il mène une mystérieuse double vie...
Avant-dernière oeuvre d'Ozu, Dernier Caprice est d'apparence plus légère que celles que j'ai déjà eu l'occasion de visionner, mais uniquement d'apparence tant il se cache quelques teintes plus sombres, notamment dans certains enjeux et le final. Ici, il est d'abord question de mariage, remariage, rencontre et d'un père qui aimerait voir ses filles vivre une vie stable (ce qui, dans les conventions de l'époque, signifie avec un mari ayant un boulot stable et prospère). Plus on avance dans le récit, plus, intelligemment, Ozu l'approfondit et dévoile les problèmes financiers de l'entreprise ou encore le passé du père qui va resurgir, bénéficiant surtout d'une bonne qualité d'écriture qu'il ne manque pas de bien exploiter.
Comme dans Voyage à Tokyo, Ozu dresse un portrait tendre de ses personnages, tout le long intéressant, que ce soit par leur évolution, les relations qu'ils entretiendront et la complicité entre eux. Comme dans les autres films que j'ai vus de lui, il met en scène la vie, simplement et sans excès mais avec une justesse et intelligence rare. De simples moments de vies prennent tout leur sens sous sa caméra et il trouve l'équilibre parfait entre les tons où quelques séquences plus légères contrebalancent d'autres plus graves. Il fait ressortir toute l'émotion (souvent par un simple geste ou regard) et la richesse de son récit, on se retrouve plongé dans la vie des personnages et c'est tout simplement passionnant, où des moments bouleversants rencontrent ceux d'autres plus légers voire même drôles.
C'est la première fois que je découvre un Ozu en couleur et là aussi c'est impressionnant, il joue avec et ici aussi, trouve toujours le bon équilibre. Il nous plonge dans la société japonaise et n'hésite pas à faire preuve d'une science du détail dans ses plans, donnant une richesse supplémentaire à l'oeuvre, à l'image de l'influence de plus en plus forte du monde occidentale dans celui japonais. Tout semble orchestré avec brio par Ozu qui ne tombe jamais dans la facilité ou la dramatisation excessive, de plus il dirige aussi formidablement ses acteurs, Ganjiro Nakamura en tête.
Ozu ne fera plus qu'un film après Dernier Caprice et force est de constater que pour cette avant-dernière, il livre à nouveau une oeuvre d'une incroyable justesse, intelligence et émotion où il filme la vie, ses émotions et ses dilemmes comme personne.