Des intentions louables, un assez beau rendu atmosphérique des affects, mais un ensemble décevant, poussif, trop prévisible, étiré à l’excès, mollement féministe, traitant d’un sujet convenu et rebattu : la crise existentielle d’une jeune mère au foyer, Tara, interprétée avec finesse par la belle Gemma Arterton. Car oui, une fois de plus, le joli pavillon de banlieue s’avère être une prison dorée, le lieu où la « cellule familiale » se mue en cellule carcérale. De fait, les journées de Tara se suivent et se ressemblent, invariablement dédiées à l’accomplissement des tâches domestiques et à celui, non moins stoïque, des devoirs conjugaux : en effet, avec un époux fruste réclamant matin et soir son « petit coup », pourvoir au « repos du guerrier » n’est pas moins aliénant que de se consacrer jour après jour aux activités ménagères les plus répétitives. C’est même plus dégradant, et quelques scènes du film nous le font sentir avec force. Pourtant, c’est au mari que revient le beau rôle (« breadwinner »/papa cool qui lâche la bride), et c’est à lui que va la préférence des deux enfants du couple. Ainsi, les conditions sont réunies pour que Tara présente des signes de dépression et soit victime de ce syndrome jadis appelé « bovarysme », en référence à Emma Bovary, le personnage éponyme du roman de Flaubert. Mais derrière les symptômes, il y a bien sûr ici une envie légitime : celle de s’extraire du lit de renoncements et de souffrances qu’impose la vie sacrificielle de mère au foyer. Envie de fuite qui se paye d’un sentiment de culpabilité, et qui doit passer outre la morale « réaliste » distillée par l’entourage (ex. : « ce n’est qu’une phase, ça va passer », « la sécurité et le confort d’une vie réglée valent bien que l’on accepte d’abandonner une part de liberté », etc.). Tara est donc vouée au déchirement, à la contradiction sans issue autre que celle du « choix », avec ses éléments de deuil. Peut-être le film nous montre-il d’ailleurs le difficile processus de mort (au sens où la Tara-mère-au-foyer paraît à l’agonie) préludant à une seconde vie ? En tout cas, il a le mérite de nous faire sentir qu’aucune des deux options (rester, partir) ne peut épargner à Tara l’épreuve du deuil. De plus, bien qu’il soit sans surprises sur le plan scénaristique et carrément faiblard dans sa seconde partie (l’escapade parisienne), le film de Dominic Savage comporte de beaux passages où le mal-être de Tara est rendu comme contagieux par la puissance évocatrice des images et des sons : tout se passe alors comme si nous ressentions nous-mêmes la sarabande vertigineuse de ses tourments et de ses peines.