Les plus utilesLes plus récentesMembres avec le plus de critiquesMembres avec le plus d'abonnés
Filtrer par :
Toutes les notes
Un visiteur
5,0
Publiée le 16 avril 2007
Ce film est un veritable chef-d'oeuvre et est à mon sens un des meilleurs films du grand Ozu. On a ici affaire à une histoire simple, banale, au quotidien d'une famille japonaise ordinaire des années 30, et c'est tout bonnement passionant. Que tous ceux que les films muets ennuient jettent un oeil à ce superbe film.
C'est à la fin des années 70 que j'ai vu "Gosses de Tokyo" une petite merveille dont je garde le souvenir vivace. Je confirme l'opinion de Laurent Lenormand, concernant la "double détente" ; effectivement en 1932 Ozu pose avec accuité une question toujours d'actualité qu'est ce qui justifie la domination des chefs? Une question épineuse dans le Japon militariste posée avec une infinie délicatesse, non dépourvue de pertinence aujourd'hui comme hier, là-bas comme ici. Décidement le noir et blanc garde toujours sa fraîcheur.
Un film muet qui en dit bien plus que la plupart des films parlants ! Et surtout une uvre à double détente remarquablement construite. On croit dabord avoir affaire uniquement au "livre dimages pour adultes" annoncé au générique, cest à dire à une description attendrie de lunivers de ces gamins dune banlieue de Tôkyô. Notez que rien que cet aspect est déjà génial. Il faut dire quOzu a déniché deux stars (le cadet surtout, aux mimiques inénarrables) et que les petites aventures à la Doisneau version japonaise où il les plonge sont délicieuses. On ne va pas épiloguer sur les qualités techniques du réalisateur, son alternance de plans fixes et de travellings dautant plus efficaces quils sont rares, son art de la perspective (la toute première scène!). Son humour aussi, et cest une qualité quon ne mentionne pas assez à son propos (scène hilarante de la projection de films où le patron se trouve filmé accidentellement en compagnie de geishas). Et cest justement à ce moment que le film bascule. Sans coup férir, le ton devient plus grave, le propos plus acide. La gentille badinerie devient réflexion sur la société : les riches, les pauvres (enfin, les "moyens") qui travaillent pour eux, la justice et linjustice du monde, le choix de se rebeller ou de jouer le jeu, la cruauté et la justesse du regard des enfants, la figure du père... Tout cela est traité avec un à-propos, une précision et une sûreté du trait qui annoncent les grandes uvres de la maturité du réalisateur. Grâce à cette dernière partie, le film prend une envergure étonnante, quon naurait jamais soupçonnée même à mi-parcours. Preuve sil en était besoin quOzu était aussi grand scénariste que metteur en scène. Un peu comme Luc Besson, pourrait-on dire. Mais en mieux. Beaucoup, beaucoup mieux.
Ce film se dissocie beaucoup de son prétendu remake "Bonjour".Il s'agit d'un film muet traitant du rapport des enfants à l'éducation et à la hiérarchie plus qu'aux révolutions culturelles occidentales dont il est plus question dans Bonjour. Une autre différence et non des moindres, ici les personnages principaux sont de façon claire les deux enfants, tandis que dans "Bonjour" il n'y a pas de personnage principal clairement défini ce qui fait le charme du film, son caractère insaisissable, indéfinissable. "Gosses de Tokyo" n'en demeure pas moins un film sympathique mais où les moeurs du Japon sont moins palpables que dans "Bonjour" où apparaissent les formules de langage ce qui est forcément moins simple avec le muet. Préferez "Bonjour" à ce film, il séduit de façon plus prononcée, en fait c'est juste un chef d'oeuvre, à côté, "gosses de Tokyo" fait un peu figure d'exercice. C.Royal