Réalisateur suédois, Lasse Hallström a connu que bien très peu de reconnaissances dans le cinéma américain. À part aux Oscars, où Ma vie de chien et plus tard Le Chocolat, deux de ses films, se sont retrouvés nominés. Et pourtant, cela ne l’a pas empêché avec des acteurs de renommés, tel Johnny Depp, qu’il dirigea dans cette adaptation d’un roman de Peter Hedges (devenu sur le coup scénariste du film). (ATTENTION SPOILERS !!)
Le long-métrage dépeint l’univers morose de Gilbert Grape, jeune garçon vivant au fin fond de l’Iowa, qui doit assumer les responsabilités de chef de famille depuis le suicide de son père, en s’occupant de ses deux sœurs, de sa mère devenue monstrueusement obèse par dépression, et surtout de son jeune frère Arnie, autiste. Mais dès l’apparition de Becky, une fille du Michigan bloquée avec sa grand-mère dans le coin, sa vie va changer. Sur le coup, on ne sait pas trop comment prendre Gilbert Grape. S’agit-il d’une adaptation de plus qui nous propose un scénario mille fois raconté ? D’un film qui ne fait qu’hésiter entre le drame tire-larmes (ce que l’on doit penser du frère autiste) ou bien la comédie quasi burlesque (principalement sur l’obésité de la mère de Gilbert) ? Mais contre toute attente, et ce malgré un certain classicisme dans la trame, Gilbert Grape s’avère être une véritable merveille d’écriture. Oui, on a de la compassion mais pour Gilbert au lieu de son frère Arnie (ainsi, ce protagoniste autiste devient un personnage comme les autres). L’histoire d’amour est bien là, mais semble bancale entre Gilbert et Becky (à se demander si elle se concrétisera pleinement, sans mauvaise fin). Oui, on rigole presque de l’obésité de la mère (le plancher qui s’affaisse sous son poids, la voiture penchant de son côté, les enfants la voyant comme une bête de foire…) mais on se retrouve vite honteux d’avoir réagi ainsi (la fin est vraiment prenante et puissante). C’est vrai, ce n’est pas la première fois que le cinéma traite d’un tel sujet, mais rarement il ne l’avait avec tant d’impact et de sincérité.
Une sincérité qui se voit notamment dans le jeu des acteurs. En effet, tous joue avec un naturel incontestable. À commencer par un Johnny Depp d’une sobriété étonnante (Gilbert Grape précède de peu Edward aux Mains d’Argent et Arizona Dream) et une Juliette Lewis étincelante. Mais déjà à l’époque, on pouvait déjà dire qu’ils étaient des comédiens professionnels. Dans ce cas, Leonardo DiCaprio (alors âgé de 19 ans) n’a rien à leur envier. Il s’avère même être l’acteur le plus stupéfiant de cette distribution, incarnant Arnie Grape avec un talent certain et une puissance à la fois comique et dramatique qu’il apporte à ce personnage autiste, avec franchise, amusement et sérieux. Il en fait le personnage le plus attachant de tout le film, par le biais de son incarnation et non par l’handicap de son personnage. Sa nomination à l’Oscar et au Golden Globe pour ce rôle n’est donc pas un hasard. Son manque de récompense en est une incompréhensible insulte !
Il est tout de même dommage que Gilbert Grape peut s’avérer être un film à l’émotion parfois excessive, à cause de musiques vraiment poussives, typiques des longs-métrages hollywoodiens. Ainsi, le film de Lasse Hallström est noyé dans des partitions souvent mielleuses, qualification que Gilbert Grape a pourtant éviter depuis le début ! Bref, un défaut qui assombri un tableau de qualité indéniable…
Quoiqu’il en soit, Gilbert Grape a beau avoir sur le papier des airs de téléfilms tire-larmes diffusés en plein après-midi sur M6, il leur est supérieur en tout point (enfin, presque… satanées musiques !) car le film dégage une réelle sincérité qui fait plaisir à voir, nous permettant de le regarder avec un œil, à la fois, malicieux, attendri et impressionné. Tout simplement beau et puissant !