J'ai enfin pu voire ce qui est considéré par beaucoup (voyez son classement sur IMDB) comme le film le plus abouti d'Hitchcock. Incrédule, je ne m'attendais certainement pas à ce qu'il dépasse Psychose, mais je m'attendais à un film de suspense du niveau de la mort aux trousses ou de Rebecca, c'est à dire un quasi chef d'oevure. Quelle déception! Fenêtre sur cour est pour moi une oeuvre mineure dans la filmographie d'Hitchcock. Les amateurs du réalisateur y trouveront pourtant tous les ingrédients qui ont fait de ses meilleurs films des chef d'oeuvres; à commencer par une idée scénaristique géniale: un homme, immobilisé à cause de sa jambe cassée, assiste depuis sa fenêtre aux activités de plus en plus louches de son voisin d'en face; le scénario est bien ficelé, la mise en scène est excellene; les personnages sont réussis, et les amateurs de romance trouveront celle de ce film très savoureuse; enfin, signalons que l'humour est omniprésent, plus encore que dans les autres films d'Hitchcock. On peut même y trouver une sorte de mise en abîme: la situation du protagoniste observant ses voisins n'est elle pas la notre, regardant sa vie sur notre écran? Bien qu'on ne puisse pas aller jusqu'à parler de philosophie, ce film contient quelques réflexions intéressantes sur le voyeurisme qui ne passent pas inaperçues. Bref, ce film est plaisant, prenant et intéressant de bout en bout. C'est tout? Oui, c'est tout. Avec de telles idées scénaristiques, Hitchcock avait largement de quoi réaliser un chef d'oeuvre, pourtant jamais ce film ne prend aux trippes. Pourquoi, une fois encore? Tout simplement parce que la première demi heure au moins contient de nombreuses scènes inutiles. Il aurait fallu que l'élément perturbateur (l'attitude louche du voisin du personnage) arrive beaucoup plus tôt dans le film. Ensuite, signalons que la romance est tout à fait inutile, comme souvent d'ailleurs. Mais cette fois, elle est omniprésente, affadi le suspense, et donne lieu à pas mal de scènes tout à fait inutiles, bien que pas déplaisantes. Si la tension augmente légèrement vers la fin du film, jamais le suspense ne décolle. La situation du protagoniste, paralysé et en train d'observer un dangereux meurtrier, aurait pu donner lieu à un huis clos tendu et angoissant: rien de tout cela! C'est en partie à cause du meurtrier lui-même: alors qu'Hitchcock a l'habitude de nous fasciner avec ses personnages extraordinaires (le meurtrier dans Psychose, Rebecca dans le film éponyme ou encore Carlota dans Vertigo), absolument aucun personnage ne sort du lot, et le "méchant" du film est d'une banalité confondante. Le final arrive beaucoup trop vite: ni le suspense, ni la tension, ni aucune ambiance angoissante ou métaphysique n'a le temps de s'installer. Notons aussi que la musique est vraiment médiocre; elle maintient le film dans une ambiance légère, alors qu'il aurait fallu quelque chose de plus pesant, de plus tendu ou inquiétant. Hitchcock ne nous gratifie d'aucune scène d'anthologie, dans lequel le suspense aurait atteint un paroxysme. Le maître du suspense se trouve ici indigne de son surnom; cela est particulièrement visible dans la scène de tension finale, très décevante par rapport à ce dont on a l'habitude avec lui. Enfin, aucun coup de théâtre ne fait son apparition, ce qui parachève la déception du cinéphile adimarateur d'Hitchcock. Si je critique autant ce film, c'est par rapport à sa réputation: partout, vous entendrez que c'est un chef d'oeuvre, je n'y ai vu qu'un bon film de suspense; plaisant et de qualité, certes; avec une idée de scénario géniale, certes; mais tellement peu exploitée qu'on en ressort frustré et déçu plutôt que fasciné.