Fenêtre sur cour est un bon film, ne nous y détrompons pas. Mais...
Mais Fenêtre sur cour est un huis-clos.
Mais Fenêtre sur cour est un thriller.
À quel moment dans Fenêtre sur cour nous sentons-nous confiné entre les quatre murs de la caméra ?
À quel moment dans Fenêtre sur cour ressentons-nous une asphyxie psychique équivalente au plâtre de James Stewart ?
À quel moment dans Fenêtre sur cour avons-nous l'impression d'être coincé, emprisonné ?
Cinq secondes en fin de film, avant que la porte ne s'ouvre, c'est tout.
À quel moment dans Fenêtre sur cour doutons-nous de ce que voit James Stewart ?
À quel moment dans Fenêtre sur cour les éléments se rejoignent ou se contredisent, pour nous illuminer ou nous embrouiller ?
À quel moment dans Fenêtre sur cour nous sentons-nous à la fois complice et spectateur du personnage ?
Jamais.
Pourquoi je ne fais que répéter le titre du film depuis le début de ma critique ? Parce que c'est FENÊTRE SUR COUR, bordel ; c'est censé être l'un des chef-d'œuvres absolus du cinéma. Un ce des films qui te font voir le cinéma autrement dès que tu l'as terminé. Un de ces films où tu n'as pas besoin de te forcer à le considérer comme un chef-d'œuvre (puisque tout le monde te dit qu'il l'est !) parce que ça saute aux yeux ! Mais non, j'ai beau prendre mes jumelles, mon télé-objectif, repasser cinq fois la bande : de chef-d'œuvre je ne vois pas, et c'est sur le point de me laisser sans voix.
Peut-être mes yeux sont-ils emplâtrés comme chez le dernier des empotés mais je ne comprends pas l'enthousiasme cinéphilique autour de ce film. Pas en 2012 du moins.
Bon, comme je l'ai dit, ça reste un bon film, parce qu'Hitchcock est là et il nous sert son lot de plans fabuleux ; même s'il semble avoir été davantage inspiré par Grace Kelly (son apparition est fabuleuse) que par le voisinage filmé d'une manière redondante. Certes, il n'y avait pas beaucoup de choix mais les tours et retours finissent par donner mal à la tête (et moi qui croyais que le cinéma de Sofia Coppola était répétitif !).
On a finalement une intrigue assez classique, qui manque cruellement de tensions, de surprises, et de mystères. L'antagoniste est on ne peut plus vitreux, les personnages sont quant à eux assez passifs, mis à part James Stewart (honnêtement la Kelly, voilà quoi, la psychologie de base bâclée...) ; et seul « cœur solitaire » arrive à nous conférer ce malaise propre au voyeurisme. L'histoire de meurtre étant tellement convenue et convenable qu'on peine à s'enthousiasmer dessus. Pas de croisements épiques, aucun champ-contre-champ (pourquoi pas, après tout ?) et très peu de zones d'ombres dans cette histoire qui enchaîne aussi bien les moments géniaux que les moments ridicules ou prévisibles à souhaits.
Donc c'est un bon film à 7. Un putain de 7 qui me rend encore nauséeux car je m'attendais à infiniment mieux.
La première partie de la critique étant rédigée, je vais pouvoir passer à la partie la plus épineuse, celle qui colle avec mon titre, celle qui va se faire soulever l'armée des cinéphiles avec autant de rage que l'armée du Mordor ; celle qui va me coûter quelques followers en cours de route.
Paranoiak est meilleur que Fenêtre sur cour et je vais vous expliquer pourquoi.
À ceux qui me diront que Paranoiak n'est qu'un « teen movie » bourré de clichés je leur répondrai que la voisine délaissée, que la femme aimante qui quitte son monde fait d'ivoire pour le pauvre photographe, que la danseuse dévergondée, que l'infirmière lucide, que le vieux couple sympathique, que le jeune couple sexy, que le couple en crise qui fait d'un homme un meurtrier, sont autant de clichés qu'il aurait été, même pour Michael Bay, difficile de les réunir en un seul film. Les clichés du XXIème siècle ne sont pas les mêmes qu'au XXème, mais ils gardent la belle vie malgré tout.
À ceux qui me diront que Paranoiak n'a aucune tension je leur dirai que, malheureusement, l'un des deux laisse le doute quant à la culpabilité du voisin, et l'autre n'en laisse pas. Il va sans dire que celui qui en laisse a plus de chances de surprendre et de tenir en haleine son spectateur. Le mystère qui suinte du doute qui suinte d'autres mystères sont légions dans Paranoiak, faisant du personnage un jeune homme (oui, il est jeune, donc pas fiable, contrairement à Stewart, et ça change tout) quelqu'un qui nous est autant complice qu'untrustable.
À ceux qui me diront que Paranoiak est ridicule dans son dénouement je leur remontrerai cette séquence de flashs intercalés, où le « méchant » ne prend pas la peine, après 3 coups (quand même !) de se protéger les yeux : Quel suspense d'avoir un homme aussi débile dans la pièce !
À ceux qui me diront que Paranoiak manque de liant, de cohérence, je leur demanderai pourquoi bordel de merde le voisin tue le chien s'il a déjà enlevé ce qui se cachait sous terre ? Je leur demandai aussi pourquoi bordel de merde il fait tout devant ses fenêtres, ou mieux, pourquoi n'a t-il pas l'idée de génie de les fermer ses putains de rideaux (et ce n'est pas l'explication vaseuse de la Kelly qui va me rassurer et me faire dire : « Ah mais oui ! Suis-je bête ! »). Et à ceux qui me diront que, dans cette bouse de Paranoiak, le voisin aussi ne se protège pas comme il le faudrait, je leur répondrai que oui, c'est vrai, mais qu'au moins on est dans une cité résidentielle avec des maisons individuelles assez espacées pour que ce ne soit pas ridicule.
À ceux qui me diront que la psychologie des personnages de Paranoiak est une psychologie de bas étage, je leur répondrai que oui, un peu, mais que de voir la Grace Kelly imposante et élégante passer du côté de Stewart en 30 secondes chrono est encore plus aberrant.
Et à ceux qui me diront que Paranoiak est un sous-Hitchcock, je leur répondrai que non, c'est Fenêtre sur cour qui est un sous-Hitchcock, parce qu'il n'angoisse à aucun moment (ou presque).
Donc oui, j'ai préféré Paranoiak, que je trouve davantage dans l'esprit du voyeurisme (le voyeurisme c'est jeune, incertain, douteux, crédule, idiot, enfantin) et dont l'absence de huis-clos sert finalement la tension plus que ne peut le faire le huis-clos dans Fenêtre sur cour (et là, ça fait mal, quand même).
Finalement j'en reviens à ma première phrase, après tant d'épilepsies désenchantées :
Fenêtre sur cour est un bon film, ne nous y détrompons pas. Mais...
Mais bon, j'ai toujours préféré aux voisins les voisines.