J’ai tellement entendu parler de "Fenêtre sur cour" que j’en attendais beaucoup. Sans doute beaucoup trop parce que j’en suis sorti relativement déçu. Il se peut cependant que ma déception vienne aussi du fait que j’ai commis la bêtise de découvrir avant son remake modernisé et rajeuni, j’ai nommé "Paranoiak" (2007) avec Shia LaBeouf. Mais revenons en 1954 et sur ce mythique "Fenêtre sur cour". Eh bien je ne vais pas être très original parce que je partage complètement l’avis de l’internaute cinéphile ChroniqueMécanique, à la différence près que je suis un tout petit peu plus généreux dans ma note. Car il faut tout de même tenir compte de l’époque, bien que tout comme lui, je considère que nous n’avons pas là le meilleur du cinéaste britannique. Traduction : pour reprendre les termes de ChroniqueMécanique, "Fenêtre sur cour" est loin d’être mon Hitchcock préféré, des œuvres telles que "Les oiseaux" ou "La mort aux trousses" m’ayant nettement plus marqué. Pourtant ce film est différent. Différent parce que la totalité de l’intrigue se passe en huis-clos, par ailleurs savamment maîtrisé. La preuve : laissez-vous donc emmener à New-York, dans l’appartement occupé par un reporter photographe répondant au nom de Jeffries (James Stewart), cloîtré chez lui à cause d’une jambe intégralement plâtrée. Imaginez donc ce que peut donner un homme condamné à rester oisif quand celui-ci est habitué à parcourir le monde… Oui, il tourne comme un lion en cage (c'est imagé bien sûr), alors il meuble ses journées à la chaleur accablante comme il peut. Pensez donc, il fait 94°F à l’ombre (soit en Celsius 34,4°), rendant les nuits bien peu reposantes et les démangeaisons sous plâtre beaucoup plus désagréables. Ainsi le spectateur est invité comme lui à observer le voisinage étendu sur les nombreux appartements des immeubles alentours sur lesquels il a une vue imprenable. Certains vaquent à leurs occupations habituelles, d’autres tentent de s’affranchir de la température caniculaire en allant dormir sur le balcon après y avoir improvisé un lit de fortune. Le reporter peut cependant compter sur son amie Lisa, une sorte de bien jolie femme du monde aux toilettes toujours soignées portées avec beaucoup de classe par la sublime Grace Kelly. Celle-ci a beau essayer de le distraire, il lui suggère plutôt de passer « à d’autres attractions ». Grand dieu ! Mais il est fou ? Se peut-il que son voyeurisme lui fasse reléguer les activités plus friponnes au second plan ? C’est le monde à l’envers ! D’habitude ce sont les femmes qui ne sont plus enclines à la bagatelle dès lors que quelque chose les préoccupe. Au prix d’une mise en scène encore une fois remarquable, on remarque comment le cinéaste parvient à casser les codes régissant la vie de couple. Mais que voulez-vous ? Quand on commence à connaître sur le bout des doigts toutes les habitudes des voisins jusque dans les moindres détails à force de les observer, le moindre quelque chose d’inhabituel a vite fait de vous interpeller et de vous triturer l'esprit. C’est exactement la mécanique de ce scénario, un scénario qui utilise tous les outils possibles et imaginables pour nous faire glisser tous ensemble vers la paranoïa : l’élaboration de théories, la moquerie amusée des différents interlocuteurs de Jeffries, et de très bons dialogues entre les deux personnages principaux, le tout en concordance pour susciter à la fois mystère et suspense. Sauf que je n’ai pas ressenti plus que ça cette paranoïa, pas plus que l'emprise d’un suspense poignant. En dépit d’un scénario intelligent et bien ficelé, peut-être est-ce dû à un ton un peu trop théâtral (à cause du rang social de Lisa ?) ? Pourtant le rythme gagne en intensité au fur et à mesure que l’intrigue se déroule, notamment sur la fin quand les protagonistes décident de passer à l’action pour tenter de précipiter les choses et voir si leur théorie est justifiée ou non, mais on a connu plus intense chez Hitchock, y compris au niveau du suspense. Cependant l’homme à la silhouette connue dans le monde entier laisse planer son ombre comme une incertitude, car impossible de savoir si Jeffries fabule ou pas. Car ce qui est remarquable, c’est que tous les scénarii envisagés sont plausibles. En conclusion : bien mais sans plus, dans tous les cas intéressant à découvrir si ce n’est déjà fait.