On a tendance à oublier que "The Thing", film culte de John Carpenter sorti en 1982, est un remake d’un film de 1951, réalisé par Christian Nyby et produit par Howard Hawks. Loin des effets gores et de l’ambiance visqueuse de son remake, ce film original s’inscrit dans la lignée des grandes productions SF de l’époque, où l’ennemi venait du ciel et où l’extraterrestre servait de métaphore bien commode à l’envahisseur communiste qui menaçait le démocratie américaine. On pense, notamment, à "L’invasion des profanateurs de sépultures" (un des modèles du genre), notamment pour son refus de céder aux sirènes du spectaculaire à tout prix et pour le soin apporté à la mise en scène, avec des séquences travaillées
(les apparitions du monstre notamment),
des idées toutes simples mais diablement efficaces pour suggérer l’horreur
(ah le vaisseau spatial piégé sous la glace et dont on ne verra qu’un aileron !)
et une tension qui monte crescendo… sans pour autant se prendre trop au sérieux. C’est sans doute une des bonnes surprise de cette "Chose venue d’un autre monde" : elle a beau traiter d’un sujet horrifique (avec des morts et des membres arrachés), elle s’autorise une certaine légèreté, voire un certain recul salvateur avec le sujet, à travers le personnage du journaliste à qui on refuse son scoop (Douglas Spencer) ou encore la relation entre le héros (Kenneth Tobey, archétype du boy-scout américain) et son flirt (Margaret Sheridan, moins cruche qu’on aurait pu le craindre et surtout plus espiègle). Cette légèreté permet de faire passer certaines faiblesses du scénario
(à commencer par la description végétale du visiteur, façon carotte géante, qui serait difficilement acceptable aujourd’hui mais qui revêt un certain charme pour un film de l’époque)
ou encore sa prévisibilité (on n’est pas dans "Alien" avec des attaques surprises du monstre mais dans un film bien plus sage où le spectateur est, à quelques exceptions près, préalablement averti de son arrivée). Pour autant, la tension est bien présente, par le biais de l’isolement des personnages (prisonniers d’une base dans l’Antarctique), de la BO gentiment oppressante de Dimitri Diomkin (qui surgit dès le générique de début) ou encore des jeux de lumière (parfois un peu forcés mais incontestablement esthétiques). Le film s’autorise même une certaine réflexion sur les limites de la recherches avec une confrontation entre les scientifiques
(qui veulent sauver l’extra-terrestre pour l’étudier)
et les militaires
(désireux de sauver leur peau)
… même si cette réflexion reste assez limitée et, surtout, manichéenne dans sa résolution
(les militaires ont raison et les scientifiques sont des cons, point… on sent que la guerre vient de finir et que la Guerre froide bat déjà son plein)
. On pourra toujours reprocher au film de se cantonner un peu trop à une succession d’attaques dès lors que la Chose se réveille mais, pour peu qu’on apprécie ce genre de film d’horreur à l’ancienne, le spectacle vaut largement le coup d’œil.