« Pendant toute ma vie, j’ai eu l’impression d’être à la fois ici, et ailleurs. »
Weronika (Irène Jacob) vit en Pologne, elle a perdu sa mère enfant, elle a un don pour la musique, et en particulier le chant, elle aime se passer un anneau en or autour de l’œil, et elle court partout en étant perpétuellement essoufflée, à cause d’un problème cardiaque qu’elle ignore. Elle cherche l’amour.
Véronique (Irène Jacob) vit en France, elle a perdu sa mère enfant, elle a un don pour la musique qu’elle enseigne aux enfants, elle aime se passer un anneau en or autour de l’œil et elle court partout en étant perpétuellement essoufflée à cause d’un problème cardiaque qu’on vient de lui découvrir. Elle cherche l’amour.
Weronika aperçoit Véronique à Krakow, elle s’arrête figée au milieu d’une place remplie de manifestants et de soldats anti-émeutes pour regarder son double monter dans le bus qui la ramène à Paris et prendre des photos à travers la vitre.
Dans la première demie-heure du film, les plans subjectifs qui représentent la vision de Weronika vacillent, les perspectives se déforment au fish eye, jusqu’à ce qu’elle meurt sur scène, au milieu des violons, en plein chant.
On suit ensuite Véronique, qui, juste après avoir fait l’amour avec un homme visiblement très amoureux, éprouve une immense tristesse qu’elle est incapable d’expliquer. Elle décide d’abandonner ce qu’on devine être la préparation de la représentation pendant laquelle Weronika est morte. Véronique sent les choses, et c’est la mort de Weronika qui l’empêche de mourir elle aussi.
À l’école où elle enseigne, un homme donne un spectacle de marionnettes. Plus tard, elle reçoit un coup de téléphone anonyme, puis un lacet, et finalement une cassette audio qui lui donne des indices sur son auteur. Elle retrouve le marionnettiste dans un bar de la gare Saint Lazare. Dans un hôtel, après qu’ils ont fait l’amour et qu’ils se sont dit je t’aime, elle vide son sac devant lui. Parmi les objets se trouvent les photos de Weronika sur la place de Krakow. Elle se met à pleurer. Plus tard, elle se réveille et rejoint le marionnettiste en train de finir la deuxième poupée d’elle. Elle lui demande pourquoi il en a fait deux, il lui explique que c’est parce qu’elles s’abiment. Véronique manipule son double en marionnette, pendant que l’autre git à terre, et que le marionnettiste lui lit le première version d’un conte qu’il écrit sur deux femmes, deux doubles sur deux continents différents.
L’idée des marionnettes m’a fait penser à un essai sur Rilke de Furio Jesi dans lequel il écrit: « la poupée, avec sa forme, annonce tragiquement à l’homme que c’est elle, et non lui, qui survivra dans l’infini. »
Les marionnettes sont un rappel poétique de la mort qui attend aussi Véronique. Les doubles des doubles survivront aux deux femmes.
Le film tient de la logique du rêve. On y voit un nain avocat, un vieillard exhibitionniste, des personnages au milieu de conversations qui n’ont ni début ni fin, un plan subjectif de Weronika dans la tombe qu’on commence à recouvrir de terre, etc.
Le rêve est aussi poésie. Deux plans en particulier: celui d’une vieille femme qui traverse le champ, vue par les yeux de Weronika puis de Véronique, et celui de l’église reflétée dans la balle en plastique.
Il faut se débarrasser de l’envie de vouloir tout analyser et accepter l’absurde de la réalité.
En voyant le film avec moi, ma soeur m’a dit « il y a quelque chose dans ce film qui est nous. »
Ce quelque chose, c’est le décor, les couleurs verte et rouge, la lumière.
Le film de Kieslowski fait appel à cette partie de notre cerveau qui est celle des sensations, des souvenirs de sensations dont on ne sait plus si elles font partie d’un rêve ancien ou de la réalité. C’est là ce qui fait sa beauté et sa rareté.