Parler du plus grand cinéaste américain, c’est l’ambition de Peter Bogdanovich dans «Directed by John Ford» (USA, 2006). D’une première version datant de 1971, le film s’est enrichi d’entretiens pour la version de 2006. Constitué selon une architecture ultra-classique (davantage même que les films de Ford), le film alterne conversations anecdotiques et extraits de films. Les anecdotes singulières que relatent un James Stewart, un Henri Fonda ou même un John Wayne s’opposent aux connaissances plus distancées, moins personnelles d’un Harry Carey Jr. ou d’un Martin Scorcese. Bogdanovich oppose la old school, les contemporains de Ford, à la new school, ses héritiers. Paysage d’un cinéma américain, d’un aller-retour entre ce qui fût et ce qui en est. Mais le documentaire du cinéaste, par ailleurs un de ses premiers films, est étriqué, douloureusement à l’étroit entre les extraits de films et les successions planes d’entretiens. Certes c’est un peu la personne John Ford qui se dévoile au spectateur, notamment dans cette scène révélatrice où John Ford, le cinéaste cow-boy, âgé, dévoile à Katharine Hepburn, tout aussi âgée, qu’il l’aime. La beauté d’une telle scène relève de cette intimité surprenante mais surtout de sa simple existence sonore. «Directed by John Ford» s’illumine parfois. Des lueurs mais fugaces. Si les historiettes de tournage de la old school visent à forger un portrait fordien, ce n’en est qu’un portrait brinquebalant, émietté puisque basé sur d’uniques souvenirs ponctuelles. Emporté par la narration d’Orson Welles (dont l’admiration pour Ford fut sans limite), le film, tout comme la plupart de sa matière constitutive, demeure anecdotique. Du désir de filmer un portrait du plus grand cinéaste américain par le biais de ceux qui l’ont connu et de ceux qu’il a inspirés, Bogdanovich ne fait pas de cinéma, c’est de l’ordre du souvenir de famille, du potin attendris. Il eut alors mieux fallu faire un livre bibliographique, Joseph McBride l’a compris.