Dans ce film réalisé en 1961 par Dino Risi, Sylvio Magnozzi interprété par Alberto Sordi n’est pas opportuniste et veule, comme souvent l’ont été les personnages de cet acteur dans la comédie italienne, par exemple, dans L’art de se débrouiller de Zampa ou Un héro de notre temps de Monicelli. Au contraire, il a des principes politiques qu’il respecte, même si cela coûte à sa carrière, sa fortune et, surtout, au couple qu’il forme avec Léa Massari. Celle-ci lui dira d’ailleurs, lorsqu’elle le quitte, « Reste seul avec tes idées ».
En cela ce personnage qui, constamment, étale ses convictions politiques est l’exact opposé de Dino Risi qui détestait les oeuvres militantes et dont les films ne sont jamais l’illustration de thèses. Toujours aux oeillères idéologiques, il a préféré le grand rire de la lucidité et c’est pourquoi bien des films de ce cinéaste sont formidables.
Risi ne prend jamais parti, son personnage principal n’est jamais dépeint comme un saint : il abandonne ses camarades de lutte pour trois mois de « repos du guerrier » avec le personnage de Léa Massari qui lui a sauvé la vie, puis, il la laisse tomber sans prévenir… Ses grands discours sur la justice et contre la corruption sont-ils admirables ou l’expression d’un narcissisme exacerbé lorsqu’ils mettent en danger sa famille ?
Le thème principal du film est donc celui du compromis entre les grandes idées et la réalité à laquelle elles se heurtent. Dans l’expression de cette contradiction, Alberto Sordi est juste fabuleux. Difficile de citer toutes les scènes : le repas chez les monarchistes (faire rire avec des situations qui ne sont pas drôles, comme la faim, c’est bien le propre de la comédie italienne…. et de Chaplin aussi), la scène de courtisanerie obséquieuse durant une réception mondaine avant que le personnage de Sordi ne se reprenne, comprenant, devant le regard de sa femme, que ce n’est pas ce qu’elle veut...
Il faut ajouter que le film est aussi l’évocation d’une vingtaine d’années d’histoire italienne (résistance au fascisme, référendum au sujet de la monarchie, attentat contre Togliatti -secrétaire général du Parti communiste italien- , boom économique). Un grand film.