Un peu déçu par Lucy, efficace mais vide, nous avions oublié comment Luc Besson avait construit notre imaginaire cinéphile. En 1995, à la sortie de Léon, beaucoup de notre génération ne l’ont pas vu sur grand écran, mais avait pu le visionner sur VHS, souvent piratée. Par ses scènes violemment rythmées, son histoire d’amour borderline, sa morale équivoque, Léon nous a inconsciemment marqué. Toutes proportions gardées, Luc Besson, c’est un peu notre Tarantino frenchie. Nul autre que lui ne sait mieux réinterpréter à sa sauce les codes du cinéma de genre et réussir à multiplier les références sans s’enliser. Ce mardi 25 Novembre, Léon bénéficiait d’une ressortie en salle dans les réseaux des cinémas Pathé.
À New-York, Léon (Jean Reno) est un tueur à gage au grand cœur, analphabète, dont profite le parrain de la mafia italienne, Tony (Danny Aiello). Sur son palier, la famille de Mathilda (Natalie Portman) se fait massacrer car son père (Michael Badalucco) à voler de la cocaïne à un agent des stups corrompu, Norman Stansfield (Gary Oldman). Léon décide de la recueillir et Mathilda lui demande de lui enseigner son métier pour pouvoir se venger.
On retrouve dans Léon, tout ce qui hante le cinéma de Luc Besson, un peu de métaphysique, de l’action hollywoodienne, des personnages marginaux et bien sur un personnage féminin de premier plan très fort. On n’atteint pas encore le délire post-apocalyptique du Cinquième élément ni le grand n’importe quoi de Lucy mais Luc Besson distille bien quelques aspects mystique durant le film. Lorsque Léon ouvre sa porte à Mathilda, elle est baignée de lumière. Comme s’il lui apportait le salut, une nouvelle vie après la mort d’on elle échappe de justesse. De la même manière, Léon semble voir la lumière au bout du tunnel lorsqu’il a presque réussi à s’extirper du guet-apens final tendu par la police new-yorkaise. Mathilda le dit à Léon, on ne sauve pas une vie sans pouvoir l’assumer. Mathilda sera à la fois sa délivrance et son chemin de croix.
Léon est le marginal par excellence car il est difficilement compréhensible, assez perplexe dans sa simplicité apparente. C’est un simple d’esprit, peu éduqué, autodidacte, qui exerce un métier terrible et violent. Mais Léon a des valeurs, il ne s’attaque pas aux femmes et aux enfants. C’est le meilleur dans son métier et pourtant il semble être tombé là par hasard. Jean Reno est juste remarquable pour interpréter ce mélange de fatalisme et de professionnalisme.Léon semble souvent dépassé mais dès qu’il est au travail, il devient précis et concentré. Repris du tueur de Nikita dont Léon est, d’après Luc Besson lui-même, une sorte de cousin new-yorkais, l’attachement à sa plante verte rend bizarrement le nettoyeur touchant et humain.
Natalie Portman, dont c’est le premier rôle au cinéma, ne pouvait que se lancer dans une fulgurante carrière, après le rôle de Mathilda. À treize ans, l’actrice israélo-américaine pouvait prouver à la terre entière qu’elle maîtrisait tous les registres passant du rire aux larmes durant le film. Orpheline, la jeune Mathilda qui détestait sa famille aimait au contraire très fort son petit frère. La scène du meurtre de sa famille par Norman Stansfield est tout simplement d’une violence rendu insoutenable par la présence scénique de Gary Oldman, tout simplement dément. Portman, aidée par la musique d’Eric Serra, rend le moment réellement poignant. Petite fille projetée trop tôt dans le monde des adultes, Mathilda est alternativement une dure à cuire puis une enfant perdue et inquiète.
Les théories sur les clins d’œils placés par Luc Besson sont nombreux. Ainsi, il aurait donné McGuffin comme pseudonyme à Léon à l’arrivée à l’hôtel en hommage à Hitchcock qui désignait par ce terme un prétexte au développement du scénario. Anecdote plus marrante, Mathilda multiplierait les « OK » en référence au précédent film de Jean Reno : Les visiteurs. De plus, l’obsession de Norman Stanfield pour Beethoven évoquerait le rôle de Gary Oldman dans Ludwig van B. Peu importe au fond, si ces rumeurs sont vraies, Luc Besson pour son premier film tourné aux États-Unis signe un véritable tribut à l’industrie cinématographique américaine reprenant les longs travelling sur Central Park, l’imagerie mafieuse de Little Italy, un héros classe à la John McLane et un traitement sérieux de situations improbable. Après tout, on peut raconter n’importe quoi, il suffit d’y croire pour le rendre vraisemblable.
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