Un film de vacances signé Wenders, est-ce déjà un film de Wenders, ou encore un film de vacances ? Un peu des deux, et c’est probablement la limite de Tokyo-ga. Non pas que le propos soit dénué d’intérêt. Parti sur les traces du Tôkyô filmé par Ozu, Wenders cherche à montrer que la civilisation industrielle et médiatique a détruit les rapports humains et qu’aux images "vraies" se sont substitués les images creuses, le toc et le bruit. La thèse est intéressante, et Wenders sait la défendre. Il y a des séquences instructives ou amusantes dans son film (l’atelier de préparation de plats en cire, par exemple). Les interviews des personnes ayant travaillé avec Ozu sont passionnantes, moins en raison de ce qu’elles disent que de l’immense respect et de l’émotion qu’on sent à l’évocation du maître. Mais la vision de Tôkyô qu’a Wenders ne dépasse malheureusement pas celle du touriste moyen restant une semaine dans la capitale japonaise : les néons, la foule, le "bizarre"... Vu la démarche du film, c’est gênant. Car Wenders, soit disant en quête du Tôkyô d’Ozu, se borne à aller dans des endroits où il n’a aucune chance de le trouver. Or, des petits quartiers à l’atmosphère villageoise, où tout le monde se connaît, et qui sont les vrais héritiers de la ville que filmait Ozu, il y en a à Tôkyô, et énormément (je le sais, j’y ai vécu). C’est d’ailleurs là que vivent les gens, bien plus que dans la jungle urbaine de Shinjuku ou Harajuku. Mais Wenders ne va pas y poser sa caméra. Autre gêne : la bande son. Peut-être était-ce différent en 1983, mais Tôkyô est aujourd’hui (si l’on excepte les salles de pachinko...) une ville bien moins bruyante que les capitales occidentales, surtout en raison du faible nombre de voitures. Or Tokyo-ga est envahi par une musique et des bruitages vraiment agressifs, qui modifient considérablement la vision qu’on se forge de la ville. Au final, le film reste intéressant, mais son message, très subjectif, doit être pris avec précautions.